Le Belge Karel Van Miert, qui fit du poste de commissaire européen à la Concurrence une des fonctions les plus puissantes d'Europe, est mort accidentellement lundi soir à l'âge de 67 ans.
Il est vraisemblablement décédé après être tombé d'une échelle dans son jardin, selon le bourgmestre (maire) de Beersel, commune flamande de la périphérie bruxelloise où il s'était retiré: il était féru de jardinage, a rappelé l'ex-Premier ministre Jean-Luc Dehaene.
Figure emblématique du socialisme flamand, M. Van Miert fut commissaire européen pendant dix ans: d'abord sous Jacques Delors, chargé des Transports de 1989 à 1993, puis de la Concurrence. Un portefeuille qu'il conservera dans la Commission du Luxembourgeois Jacques Santer, jusqu'à la démission de cette dernière en 1999.
C'est à la concurrence que son action sera la plus remarquée -elle lui valut le surnom d'"homme le plus puissant" d'Europe- et la plus célébrée. A posteriori du moins, car à l'époque ses prérogatives et son indépendance faisaient parfois grincer des dents.
Sauvetage du Crédit Lyonnais, fusion des constructeurs aéronautiques américains Boeing et McDonnell, accords entre les géants allemands des médias Kirch et Bertelsmann: il n'hésitait pas à intervenir face aux puissantes capitales, en Europe comme à l'étranger, pour défendre les règles européennes, à une époque où la notion de "marché intérieur" européen commençait juste à se développer.
"Il a été commissaire avec beaucoup d'autorité et beaucoup d'indépendance", y compris lorsqu'il examinait des dossiers touchant son propre pays, a salué Philippe de Schoutheete, à l'époque ambassadeur de Belgique auprès de l'UE.
"Il refusait tous les éléments de pression extérieure, qui sont innombrables sur ce poste car c'est beaucoup d'argent et de grosses sociétés prestigieuses qui sont en jeu", a-t-il ajouté.
Le président de l'actuelle Commission, le conservateur José Manuel Barroso, a aussi rendu hommage à l'ancien commissaire, qui appliquait "les règles de la concurrence de façon à protéger les plus faibles des abus possibles des plus forts".
M. Barroso, toujours en campagne pour un second mandat, a précisé que le défunt commissaire demeurait "une inspiration" pour l'exécutif européen. L'actuel président a adopté un discours plus social après avoir été accusé de privilégier une application très libérale des règles de l'Union européenne.
Bien que la Commission soit aujourd'hui affaiblie comparé à "l'âge d'or" des années Delors, le portefeuille de la Concurrence, où se sont succédé depuis l'Italien Mario Monti et la Néerlandaise Neelie Kroes, reste l'un des plus puissants et des plus convoités à Bruxelles.
La France et l'Allemagne le revendiqueraient dans la course aux portefeuilles pour la prochaine Commission, selon certains journaux.
Des responsables belges de toutes tendances politiques ont aussi rendu mardi un hommage appuyé à celui qui présida pendant vingt ans le parti socialiste flamand, après sa scission avec les socialistes francophones, et critiqua farouchement les mesures d'austérité des gouvernements de centre-droit.
C'est un "véritable monument" qui disparaît, a estimé le chef du gouvernement régional flamand, le chrétien-démocrate Kris Peeters.
Depuis 1999, M. Van Miert s'était éloigné de la politique pour se consacrer notamment à l'enseignement. Mais il siégeait encore au conseil d'administration de grandes entreprises belges, allemandes ou néerlandaises et s'enflammait parfois pour l'Europe dans des interviews: il critiquait encore en mars l'idée de faire entrer la Turquie dans l'Union européenne.