par Francesco Canepa et John O'Donnell
FRANCFORT (Reuters) - En resserrant sa politique monétaire pour la première fois depuis près de 10 ans, la Réserve fédérale américaine a rendu service à la Banque centrale européenne (BCE), qui pourrait voir retomber la pression exercée par ceux qui lui réclament de nouvelles mesures d'assouplissement.
Devenue réalité, la divergence des politiques monétaires entre les deux principales banques centrales de la planète présente quelques avantages pour l'institution de Francfort.
Engagée depuis mars sur la voie de l'assouplissement quantitatif (QE), la BCE a abaissé le 3 décembre dernier l'un de ses taux directeurs - le taux des dépôts passé encore plus en territoire négatif - et prolongé d'au moins six mois son programme d'achats de titres sur les marchés.
Les investisseurs ont jugé ces mesures insuffisantes, reprochant notamment à la banque centrale de ne pas avoir augmenté le montant de ses achats mensuels, qui reste à 60 milliards d'euros.
En relevant mercredi son taux d'intervention, la Fed a entraîné immédiatement une baisse de l'euro, un phénomène qui aurait un double avantage pour la BCE s'il se prolongeait puisqu'il aurait comme effet à la fois de favoriser les exportateurs de l'union monétaire et de réveiller une inflation assoupie.
La réaction calme des marchés à la décision de la Fed suggère en outre que les investisseurs acceptent le principe de la divergence entre les deux banques centrales, ce qui pourrait aider la BCE à poursuivre sur sa voie actuelle sans trop de pression.
L'EURO POURRAIT ENCORE BAISSER
"La BCE pourra maintenant jusqu'à un certain point désolidariser les conditions de financement dans la zone euro de celles aux Etats-Unis", analyse Dirk Schumacher, économiste de Goldman Sachs. "Le phénomène de la divergence est là pour un moment".
La réaction des marchés après la décision de la Fed, avec non seulement une baisse de l'euro mais aussi un repli des rendements des emprunts d'Etat des principales économies de la zone euro, est interprétée par certains analystes comme un satisfecit adressé à la Fed et une façon de réparer les dégâts d'une certaine maladresse de la BCE.
"Nous ne voyons pas la politique monétaire américaine déborder sur l'Europe et nous ne le verrons pas car la hausse des taux avait été totalement anticipée", fait valoir Marco Brancolini, stratège taux chez RBS.
"Surtout, les taux en zone euro ne subiront l'influence des taux américains qu'à très court terme. Sur le long terme, le niveau des Bunds à 10 ans dépendra (...) de la politique monétaire (de la BCE)".
Pour certains, la vraie bonne nouvelle du tour de vis monétaire de la banque centrale américaine pourrait être que l'euro continue à se déprécier face au dollar.
"Il y a le potentiel pour que l'euro se dévalue encore et c'est la meilleure chose qui puisse arriver à la zone euro", dit ainsi Peter Bofinger, l'un des "sages" qui conseillent le gouvernement allemand en matière de politique économique.
Ceci, combiné à une accélération de la reprise, rendrait moins nécessaire une nouvelle action de la BCE. De fait, les analystes interrogés par Reuters n'évaluent qu'à 40% la probabilité qu'elle agisse à nouveau l'an prochain.
(Patrick Vignal pour le service français)