Après des années de procédures en justice, des salariés de Carrefour ont obtenu gain de cause auprès de la plus haute juridiction, la Cour de cassation, qui a imposé le respect du salaire minimum légal à l'enseigne de distribution.
Grâce à cette jurisprudence, "tout salarié Carrefour, souvent payé au lance-pierre, peut maintenant aller en justice et réclamer un rappel de salaire jusqu'à cinq ans en arrière", se félicite Chantal Villeneuve-Gallez, de la CFDT commerce du Rhône.
La CGT, également partie prenante dans ces procédures, estime que 40.000 salariés de Carrefour pourraient obtenir 1.000 à 1.500 euros chacun, sans compter d'éventuels dommages et intérêts.
Des dossiers, concernant Carrefour mais aussi Auchan, sont déjà en cours d'examen devant de multiples juridictions à Bordeaux, Grenoble ou encore Angers, où des jugements parfois contradictoires ont été rendus, le litige portant sur ce qui doit être inclus dans le salaire devant être comparé au Smic.
Le tribunal de police d'Evry doit même examiner les 15 et 16 avril 1.500 à 2.000 cas de salariés Carrefour, d'après la CGT, à la suite de procès-verbaux d'inspecteurs du travail dans plusieurs régions, qui ont été centralisés dans l'Essonne.
La CFDT affirme "accompagner" au total 5.000 salariés de la grande distribution en France "pour faire respecter leur droit", cette "action collective" constituant "une première dans cette branche".
"Carrefour ne va pas régulariser de lui-même", pense Claudette Montoya, une des responsables CGT de l'enseigne à l'origine de l'affaire en 2004. "Nous avions saisi le ministre du Travail Gérard Larcher et informé tous nos correspondants", relate-t-elle.
La CGT du Carrefour de Givors (Rhône) a été la première à obtenir un PV d'un inspecteur. Mais en juin 2010, la cour d'appel de Lyon avait relaxé Carrefour hypermarchés, ce qui a conduit CGT et CFDT en cassation.
La chambre criminelle de la cour, compétente puisque le non-respect du Smic constitue une infraction pénale, a rendu mardi trois arrêts concernant les Carrefour de Givors et Ecully (Rhône) ainsi qu'un magasin Champion de Marines (Val d'Oise).
La question posée était: la rémunération des temps de pause doit-elle être prise en compte ou non pour vérifier que les salariés ont bien reçu le Smic, ou doit-elle s'ajouter au-dessus du Smic?
Pour la Cour de cassation, "les salariés n'étaient pas à la disposition de l'employeur pendant les pauses" et "il en résultait que la prime rémunérant celles-ci, non reconnues comme du temps de travail effectif, était exclue du salaire devant être comparé au Smic".
Selon Michel Miné, professeur de droit du travail au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), la portée de ces jugements reste relative, la chambre sociale de la Cour ayant déjà rendu un arrêt en ce sens en juillet 2010, concernant la Compagnie des Fromages.
Cependant, "toutes les actions engagées au pénal ont vocation désormais à aboutir", a-t-il précisé à l'AFP.
Carrefour a pris "acte" des arrêts, qui s’appliquent "à des éléments antérieurs à 2009".
Le problème a été en effet réglé dans la branche par un accord en 2008 fixant le premier niveau de salaire à 105% du Smic, c'est-à-dire en intégrant la rémunération des pauses, qui représentent 5% du temps de travail effectif.
Cela n'entame pas la combativité de certains, tels Alexandre Paray, équipier de vente de 26 ans à Carrefour Vitrolles (Bouches-du-Rhône): "j'ai hésité longtemps à réclamer mon dû pour ne pas mettre ma carrière en péril mais comme les choses n'évoluaient pas, j'ai constitué mon dossier et réclame 1.400 euros".