Les institutions européennes sont parvenues à surmonter leurs divergences sur plusieurs mesures clés de la réforme de la Politique agricole commune (PAC), comme la redistribution plus équitable des subventions agricoles, mais le plafonnement des aides les plus élevées continue à diviser.
"Nous avons un accord de principe sur les éléments qui constituaient les principales pierres d'achoppement, comme la convergence interne", qui prévoit de mieux répartir les aides entre agriculteurs d'un même pays ou d'une même région, a déclaré le ministre irlandais Simon Coveney au deuxième jour de négociations à Luxembourg.
Actuellement, environ 80% des paiements sont alloués à 20% des plus grosses exploitations, car plusieurs pays européens lient encore le montant des versements aux niveaux de production atteints au début des années 2000. Ce mode de calcul favorise les grosses exploitations d'agriculture intensive.
En vertu de l'accord préalable conclu lundi soir entre le Conseil des ministres, le Parlement européen et la Commission, les Etats devront obligatoirement faire en sorte d'ici à 2019 que les agriculteurs aidés reçoivent au minimum 60% du montant moyen de subvention à l'hectare, a expliqué M. Coveney.
Pour les plus grosses exploitations, la réduction de la subvention sera plafonnée à 30% sur la même période.
"Il était important de faire en sorte que tous les agriculteurs bénéficient d'un niveau acceptable de soutien direct, mais pas à un point qui aurait entraîné d'importantes pertes pour les agriculteurs productifs touchant des paiements élevés", a précisé le ministre irlandais.
"Moins de 10% des paiements directs seront redistribués sur les sept prochaines années. La réduction moyenne se situera entre 11% et 12% pour les agriculteurs perdants, et le gain moyen sera de 35% pour les agriculteurs gagnants. Il y aura plus de gagnants que de perdants", a-t-il assuré, saluant "un accord équitable".
Les Etats pourront également consacrer de 8% à 13% des aides directes à certaines productions en difficulté comme l'élevage.
Mais la question du plafonnement des aides les plus élevées continuait de faire débat mardi.
Bruxelles et le Parlement veulent limiter à 300.000 euros par an le montant des aides perçues par chaque ferme (après déduction des coûts salariaux), et réduire de façon dégressive les paiements supérieurs à 150.000 euros.
Le Conseil est réticent à remettre ce point sur la table, estimant qu'il a déjà été tranché par les chefs d'Etat et de gouvernement en février lors du sommet consacré au futur budget européen.
"Les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé que le plafonnement serait volontaire. La présidence va soumettre une proposition sur la dégressivité, mais notre marge de manoeuvre est très réduite", a admis Simon Coveney.
Selon une source européenne, "cette question devrait rester entre parenthèses et être négociée dans le cadre des discussions en cours sur le budget européen".
D'autres problèmes restent à démêler en matière d'organisation commune des marchés agricoles et de quotas sucriers.
Mais même les accords de principe devront encore être confirmés mercredi à Bruxelles, lors d'une réunion tripartite entre les trois institutions européennes, a insisté la présidence irlandaise.
Les négociateurs de l'UE se sont aussi accordés sur un paiement complémentaire obligatoire pour les jeunes agriculteurs. Celui-ci pourra atteindre jusqu'à 2% de l'enveloppe des paiements directs, lesquels représentent les trois quarts du budget de la PAC, elle-même principal poste de dépenses de l'UE avec environ 38% du budget global.
Les mesures de soutien additionnelles seront volontaires pour les petites exploitations, tandis qu'une liste de structures à bannir des bénéficiaires de la PAC a été établie, comme les campings. "Cette liste négative sera obligatoire et pourra être complétée par les Etats membres", a-t-on indiqué de source européenne.
Plusieurs semaines d'intenses négociations avaient déjà permis de progresser sur le thème du "verdissement" des subventions aux agriculteurs, qui prévoit de lier l'allocation de 30% d'entre elles au respect de certaines mesures écologiques comme la diversification des cultures.
La réforme de la PAC devrait être mise en place graduellement dès 2014, mais le nouveau système de subventions ne sera pas déployé avant 2015, en raison du retard pris par les négociations sur le futur budget européen.