Le groupe Eurotunnel, qui exploite le tunnel sous la Manche, a réussi à se maintenir dans le vert en 2009, au terme d'une année mouvementée marquée par les conséquences d'un incendie fin 2008 et ses déboires avec Eurostar, son principal client.
Le bénéfice net dégagé en 2009 est symbolique: 1,4 million d'euros. Il est en grande partie dû à des remboursements réels ou attendus des assureurs après l'incendie qui a entraîné la fermeture partielle du tunnel du 11 septembre 2008 au 9 février 2009.
Jacques Gounon, le PDG du groupe, estime au total à 250 millions d'euros les conséquences de l'incendie, tant pour les dommages matériels que pour les pertes d'exploitation.
Eurotunnel est bien assuré, mais Eurostar a obtenu en justice la mise sous séquestre de 59 millions d'indemnités, en attendant un jugement sur le fond. La filiale de la SNCF estime que ses trains, qui empruntent le tunnel, ont eux aussi été victimes du sinistre.
"Les 59 millions sont gelés, mais c'est de la trésorerie qui est gelée", a indiqué M. Gounon. "Quoi qu'il arrive, si Eurostar obtient satisfaction en justice, son indemnité ne viendra pas en déduction de ce qui doit nous revenir. Nous sommes assurés, et ce qui nous est dû nous est indiscutablement dû."
En attendant, le groupe a inscrit dans ses comptes 2009 la somme de 33 millions d'euros, qui ne lui ont pas été physiquement versés, mais qu'il pense récupérer auprès des assurances au titre du second semestre.
Le patron d'Eurotunnel espère en avoir fini avant la fin 2010 avec ces péripéties judiciaires qui l'obligent à avoir recours à ces acrobaties comptables.
Pour l'heure, Jacques Gounon se satisfait de ces résultats qui lui permettent de verser un --modeste-- dividende. Et ne peut s'empêcher d'égratigner Eurostar: "L'année 2009 a été assez difficile. Dans un contexte de crise économique avec une baisse de 20% du trafic fret transmanche, on a commencé avec un tunnel à la moitié de sa capacité pour cause d'incendie, et on a fini avec un Eurostar qui ne protège pas ses locomotives contre la neige et se plante à Noël!"
Les pannes de cinq Eurostar dans le tunnel, dans la nuit du 18 au 19 décembre, n'ont pas vraiment arrangé les relations entre les deux compagnies. D'un point de vue purement comptable, Eurotunnel estime son manque à gagner à 1,8 million d'euros. Et autant, sur l'exercice 2010, avec l'arrêt des trains Bruxelles-Londres pendant quinze jours en février pour cause de catastrophe ferroviaire en Belgique.
Le chiffre d'affaires a reculé de 16% en 2009 (à taux de change constant), à 571 millions d'euros.
Affecté par les conséquences de l'incendie, l'activité des navettes a baissé de 25% sur l'année, et le groupe a perdu du terrain dans la bataille qui l'oppose aux ferries.
Nombre de "grands comptes" parmi les transporteurs, qui ont des contrats d'un an, se sont en effet tournés vers les bateaux pour faire franchir le Pas-de-Calais à leurs camions. Jacques Gounon pense que le tunnel aura retrouvé tous ses clients --38% de parts de marché sur ce créneau-- à la fin de l'année.
Pour l'exercice 2010, le patron d'Eurotunnel estime maintenant que le résultat sera "entre 2009 et 2008", c'est-à-dire légèrement bénéficiaire.
Le groupe se lance cette année dans plusieurs chantiers assez lourds, comme l'installation de réfuges sécurisés et d'un système de communication radio dans le tunnel et la restructuration des terminaux pour les passagers.
Il va aussi poursuivre la restructuration des activités françaises de Veolia Cargo, acquises l'an dernier et rebaptisées Europorte. L'objectif est pour Eurotunnel de devenir un opérateur ferroviaire important, rentable dès 2011.