Sous la pression de ses créanciers internationaux, le gouvernement portugais a maintenu le cap de la rigueur, en défendant jeudi un budget pour 2014 vivement contesté par une population usée par des sacrifices à répétition.
"C'est un budget difficile et très exigeant pour les ménages, mais il contribue à préparer un avenir meilleur pour tous les Portugais", a assuré le Premier ministre Pedro Passos Coelho à l'ouverture du débat parlementaire sur le budget.
"Ce budget sera la clef pour conclure" comme prévu en juin 2014 le programme d’assistance internationale de 78 milliards d'euros et "fermer la porte de cette période de dépendance extrême" du Portugal, a-t-il fait valoir.
Poussé par la troïka (UE-FMI-BCE) de ses créanciers, le gouvernement de centre droit a administré au pays un traitement de choc, qui se traduit par un effort budgétaire de 3,9 milliards d'euros, soit 2,3% du Produit intérieur brut.
Des coupes dans les salaires et les retraites des fonctionnaires, la mise sous conditions de ressources des pensions de veuvage, le recul de l'âge de départ à la retraite à taux plein à 66 ans ... le fardeau est très lourd pour les Portugais, qui ont déjà subi une hausse sensible des impôts cette année.
Les mesures ont provoqué une levée de boucliers des syndicats. Des milliers de manifestants devraient se rassembler vendredi devant le Parlement pour protester contre le budget, qui doit être voté le même jour en première lecture.
"Ce n'est pas un budget de l'Etat, c'est un plan de coupes pour appauvrir notre pays. Personne ne croit que ce budget sortira le pays de la crise", s'est emporté Antonio José Seguro, secrétaire général du Parti socialiste, principale formation de l'opposition.
Comme l'ensemble de l'opposition de gauche, le PS compte voter contre le budget, ce qui ne devrait pas empêcher la coalition gouvernementale, qui dispose d'une majorité confortable au Parlement, de le faire adopter sans difficulté.
Cette nouvelle cure de rigueur doit permettre au Portugal de ramener son déficit public à 4% du PIB en 2014, puis de viser 2,5% en 2015. Inflexible, la troïka avait refusé début octobre d'alléger cet objectif et de le porter à 4,5%, comme l'avait réclamé Lisbonne.
Objectif ambitieux
Pour la plupart des analystes, cet objectif ambitieux est quasiment hors de portée.
L'agence de notation financière Fitch prévoit ainsi "un certain dérapage" et table sur un déficit de 4,5%, estimant que des "risques élevés" pèsent sur la mise en oeuvre du budget 2014.
Pour Fitch, le plus grand danger est une éventuelle censure du projet par la Cour constitutionnelle, qui a déjà retoqué plusieurs mesures d'austérité inscrites au budget 2013, rayant d'un trait de plume des économies de 1,3 milliard d'euros.
Le gouvernement portugais n'a pas caché son inquiétude face à cette menace. Parmi les mesures susceptibles d'être censurées figurent l'allongement à 40 heures du travail hebdomadaire des fonctionnaires et les coupes dans leurs revenus et pensions, soit des économies chiffrées au total à 1,5 milliard d'euros.
"Les objectifs poursuivis pour 2014 nous semblent difficilement atteignables", a commenté Jésus Castillo, analyste chez Natixis.
"De réels progrès ont été accomplis en matière de finances publiques, mais au prix d'une très profonde récession", relève-t-il. Et "les effets récessifs pourraient à nouveau avoir été sous-estimés" dans le projet de budget 2014, prévient-il.
L'économie du Portugal est sortie de la récession au deuxième trimestre, une embellie qui devrait se confirmer au troisième trimestre, selon le gouvernement qui prévoit une croissance de 0,8% en 2014. Mais le taux de chômage reste très élevé et ne devrait pas passer en dessous des 17,7% l'an prochain.