L'Allemagne a accueilli mercredi d'un "bien mais peut mieux faire" les propositions franco-allemandes pour renforcer l'intégration de la zone euro, satisfaite au moins qu'elles ne l'obligent pas à repasser à la caisse.
"La direction est bonne, la chancelière a notre soutien": comme en écho à beaucoup de commentaires de la presse, le secrétaire général du parti libéral FDP Christian Lindner a décerné mercredi un satisfecit aux annonces faites la veille à Paris par la chancelière Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy.
Les conservateurs du parti de Merkel (CDU/CSU) étaient contents aussi: il n'y aura, pour le moment en tout cas, pas d'euro-obligations, ces titres de dettes communs de la zone euro que la plupart d'entre eux rejettent catégoriquement. Et l'Allemagne n'aura pas à remettre la main à la poche pour un nouvel élargissement du fonds de sauvetage européen FESF.
La chancelière a donc évité une crise au sein de sa majorité, au moment crucial où elle tente de mobiliser les troupes pour faire voter au pas de course en septembre les décisions prises à Bruxelles en juillet sur les mécanismes de sauvetage européen.
Seul hic, c'est précisément sur les "eurobonds" ou un éventuel gonflement du FESF que Paris et Berlin étaient attendus au tournant. Du coup, du point de vue des marchés financiers, "les résultats sont plutôt décevants et ne devraient pas soutenir beaucoup l'euro", commentaient les analystes de Commerzbank.
Ni la Bourse de Francfort, où l'indice vedette Dax perdait 1,13% à 09H55 GMT mercredi.
Mme Merkel a refusé de parler d'euro-obligations pour ne pas froisser son partenaire libéral FDP, dont plusieurs membres avaient évoqué ouvertement ces derniers jours une fin prématurée de la coalition (qui doit gouverner jusqu'à 2013). Et pourtant la mutualisation de la dette est "la question la plus importante dont discute actuellement toute l'Europe", a critiqué Frank-Walter Steinmeier, chef de file du parti social-démocrate, principale force d'opposition.
A la place, Mme Merkel et M. Sarkozy ont annoncé mardi l'avènement d'un gouvernement économique européen, l'introduction d'une taxe européenne sur les transactions financières, l'adoption par tous les pays de la zone euro d'un plafond d'endettement. De simples propositions pour le moment, qui devront être concrétisées et avalisées par leurs partenaires.
Même si beaucoup de commentateurs soulignaient le flou des promesses faites à Paris, et qu'il est pour le moment plutôt un voeu pieu, l'élargissement à toute la zone euro d'un mécanisme de plafonnement de l'endettement est une forme de victoire pour Berlin. La rhétorique de rigueur budgétaire adoptée par M. Sarkozy "n'aurait jamais été à l'ordre du jour par le passé, même pas en rêve", note le quotidien économique Handelsblatt.
L'Allemagne a inscrit une telle règle dans sa constitution en 2009, et Mme Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble en ont prêché les avantages à leurs partenaires ces derniers mois.
En contrepartie, la chancelière a dû se résoudre --"en grinçant des dents" selon le Handelsblatt-- à un "gouvernement économique", vocable longtemps honni en Allemagne. Mais pour le moment cela ne l'engage pas à grand chose. "Les propositions ne montrent pas en quoi ce gouvernement serait autre chose qu'un sommet européen normal", font remarquer les analystes de Commerzbank.
L'Allemagne ne sait donc pas encore très bien ce qu'elle perd, mais elle sait à quoi elle échappe: l'institut de recherche économique Ifo a calculé et annoncé mercredi que l'introduction d'eurobonds aujourd'hui augmenterait de 33 à 47 milliards d'euros la charge d'intérêts de la dette allemande.