La réforme hautement sensible de la politique familiale sera annoncée lundi par le gouvernement, qui hésite encore à toucher aux allocations ou au quotient familial pour dégager des économies, mais promet d'agir dans "la justice".
Les annonces du gouvernement étaient initialement attendues fin avril, mais l'exécutif a préféré laisser la délicate page du mariage homosexuel se tourner avant de s'attaquer à ce nouveau dossier potentiellement explosif.
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a convoqué lundi à 11H45 les membres du Haut conseil de la famille (HCF). A l'issue de la réunion, qui se fera en présence de Marisol Touraine (Affaires sociales) et Dominique Bertinotti (Famille), il présentera sa réforme de la politique familiale, a indiqué jeudi Matignon.
Mais le contenu de la réforme, qui vise à rétablir l'équilibre de la branche famille de la Sécurité sociale d'ici 2016 et à dégager un milliard d'euros dès 2014, restait jeudi inconnu, faute d'arbitrage.
"Il y a un principe qui inspirera le gouvernement, c'est la justice. Il y aura donc des économies et il y aura de la justice. La décision sera prise dimanche", a indiqué le chef de l'Etat lors d'un déplacement dans le Gers.
Jusqu'ici, l'hypothèse privilégiée par le gouvernement semblait une baisse des allocations familiales pour les plus aisés, un scénario central dans le rapport du président du HCF, Bertrand Fragonard, remis début avril au gouvernement.
François Hollande a en effet prévenu que "les plus hauts revenus" ne toucheraient plus les mêmes montants. Et Jean-Marc Ayrault a précisé que cela concernerait environ 15% des Français.
Dans un sondage publié jeudi, les deux tiers des Français (68%) se disent favorables à une baisse des allocations familiales -actuellement versées à tous les foyers à partir de deux enfants sans condition - pour les ménages gagnant plus de 5.000 ou 6.000 euros par mois.
"Une mécanique fiscale plus juste"
Mais ce scénario, désapprouvé par la majorité de membres du HCF, est extrêmement contesté par l'opposition, les syndicats et les associations familiales qui, à l'instar de l'Unaf (Union national des associations familiales), soutiennent d'autres pistes, comme un durcissement du plafond du quotient familial, dispositif permettant aux familles d'alléger leur impôt.
L'Unaf fait en effet valoir qu'une telle décision pourrait facilement être "encadrée dans le temps", contrairement à une modulation des allocations, "irrémédiable", qui s'apparenterait en outre à une remise en cause du principe d'universalité de ces aides.
Fixé depuis 2013 à 2.000 euros par enfant, le plafond du quotient pourrait être encore revu à la baisse. Selon le rapport Fragonard, un abaissement à 1.750 euros ou 1.500 euros permettrait par exemple de dégager respectivement 430 et 915 millions d'euros, ce qui représenterait un supplément d'impôt moyen de 36 et 68 euros par mois.
Privilégier l'hypothèse du quotient consisterait à toucher l'ensemble des familles et non plus seulement celles ayant au moins deux enfants. "Les économistes sont beaucoup plus pour la formule du quotient car c'est une mécanique fiscale plus juste selon eux", soulignait-on jeudi dans l'entourage du chef de l'Etat.
Elle serait aussi plus facile à mettre en oeuvre, alors que la modulation des allocations familiales aurait l'inconvénient de mobiliser davantage encore les gestionnaires des caisses d'allocations familiales (CAF), déjà débordés.
Mais contrairement aux promesses du gouvernement, elle reviendrait à augmenter les impôts des ménages, et non à faire des économies.
Le chef de l'Etat pourrait aussi décider un "panachage" des deux solutions, en concentrant la perte d'allocations sur seulement 10% des ménages les plus riches et en abaissant le plafond du quotient à 1.750 euros. Mais "la diminution de leur revenu serait plus forte que dans chacune des réformes prises isolément", souligne le rapport Fragonard.
"Je pense qu'il faut une modulation des allocations pour les ménages les plus aisés, peut-être faut-il même jouer avec le quotient familial pour faire en sorte que ce soit plus juste", estimait lundi Bruno Le Roux, chef de file des députés PS.
Le député UMP Bruno Le Maire a d'ores et déjà estimé que "rendre plus juste la politique familiale, ce n'est pas détruite la politique familiale, comme le fait le gouvernement". "La politique familiale doit être préservée", a renchéri son collègue Hervé Mariton.