Le coup de frein subi par l'économie russe s'est confirmé et même aggravé au deuxième trimestre, douchant les espoirs de redémarrage du gouvernement, selon les chiffres de la croissance publiés vendredi.
Le produit intérieur brut du pays a augmenté de 1,2% entre avril et juin par rapport à la même période en 2012, contre 1,6% au premier trimestre, selon une première estimation publiée par l'institut fédéral Rosstat.
"C'est très décevant, très en deçà des prévisions", a réagi l'économiste Ivan Tchakarov, de Renaissance Capital, interrogé par l'AFP.
Ce chiffre, le plus faible pour la Russie depuis la crise de 2009, est en effet largement inférieur à l'évaluation délivrée fin juillet par le gouvernement, qui avait évoqué au contraire une accélération à 1,9%.
"La dynamique commence à se rétablir", avait alors jugé le vice-ministre du Développement économique, Andreï Klepatch, en annonçant à la presse cette estimation.
A l'inverse, le chiffre publié vendredi par Rosstat indique que le ralentissement s'est encore accentué et M. Klepatch, cité par les agences russes, a reconnu vendredi qu'il fournissait "un argument en faveur d'un abaissement" des prévisions pour l'ensemble de l'année.
Conserver l'inflation sous contrôle
Le gouvernement prévoit actuellement une croissance de 2,4%, contre 3,4% en 2012, un niveau insuffisant de l'aveu des autorités russes pour moderniser le pays.
Pour les analystes de Capital Eonomics, les statistiques de la croissance sont même "cohérentes avec une entrée de l'économie en récession au cours du premier semestre".
La plupart des économistes mettent le ralentissement actuel sur le compte de la crise en zone euro, où se trouvent les principaux partenaires commerciaux de la Russie, ainsi que sur la baisse des investissements.
"La faiblesse des investissements et la lenteur de la reprise de la demande extérieure indiquent que les risques de nouveau ralentissement économique persistent", a jugé vendredi la banque centrale russe, à l'issue de sa réunion mensuelle de politique monétaire.
L'institution a cependant décidé de laisser ses taux d'intérêt inchangés, alors que certains économistes pariaient sur un abaissement, afin d'apporter une bouffée d'air frais aux entreprises et redonner un coup de fouet à la croissance.
Elle a expliqué vouloir conserver l'inflation sous contrôle mais relevé la modération de la hausse des prix, repassée en juin et juillet sous 7% sur un an, semblant ouvrir la porte à une prochaine baisse des taux.
Cependant, pour Ivan Tchakarov, une baisse des taux même dès le mois prochain interviendra trop tard pour avoir un effet réel sur la croissance cette année.
La banque centrale "a raté le train", a estimé l'économiste, la jugeant "déconnectée" de la situation économique.
Corruption
Pour relancer la machine, Vladimir Poutine a annoncé fin juin un programme de grands travaux de plus de dix milliards d'euros, comprenant des lignes de chemin de fer à grande vitesse. Il a aussi décrété une amnistie des délits économiques pour encourager les investisseurs effrayés par le système judiciaire russe, souvent accusé d'être instrumentalisé.
Le Fonds monétaire international (FMI), qui prévoit une croissance de 2,5% en 2013 et de 3,25% en 2014, appelle Moscou à engager des réformes structurelles pour stimuler l'activité et réduire la dépendance du pays aux ventes d'hydrocarbures.
La Russie a bénéficié entre l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000 et la crise de 2008-2009 de taux de croissance de 7% à 8%, alors qu'elle se remettait de la dramatique crise de la fin des années 1990 et profitait du renchérissement du pétrole.
Mais certains observateurs estiment désormais que, pour continuer à avancer, elle doit considérablement améliorer son climat des affaires, plombé par une bureaucratie très lourde et la corruption.
Conséquence, entre autres, du ralentissement de la croissance, le rouble a perdu depuis six mois 10% de sa valeur face à l'euro.