Les dirigeants européens tentaient jeudi de trouver, sans espoir démesuré, des solutions au chômage des jeunes qui gangrène le continent et alimente la défiance vis-à-vis des gouvernements et de l'Europe.
Réunis à Bruxelles, les 27, rejoints pour la première fois par la Croatie qui entre officiellement dans l'UE lundi prochain, ont entamé leurs discussions peu avant 18H00 (16H00 GMT).
Mais le Premier ministre David Cameron a perturbé le début du sommet en réclamant la protection du "rabais" britannique. Les Britanniques craignent que le nouveau mode de financement de la Politique agricole commune (PAC) ne modifie le montant de la ristourne britannique. Des discussions étaient en cours dans la soirée pour tenter de donner satisfaction au Royaume-Uni.
Sur le sujet principal de la réunion des chefs d'Etat, l'emploi des jeunes, le président François Hollande a souhaité "avoir un bon sommet (...) c'est ce qu'attendent les Européens".
Le président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, a exhorté les dirigeants à "ne pas perdre de temps et agir maintenant". "La lutte contre le chômage des jeunes est un test pour notre crédibilité", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse.
Mais la chancelière allemande Angela Merkel a prévenu que "le plus important était d'améliorer notre compétitivité, pas de créer toujours de nouvelles enveloppes financières". "C'est ce que je vais défendre", a-t-elle déclaré, à moins de trois mois des élections allemandes pour lesquelles elle brigue un troisième mandat.
Plus de 26 millions de personnes sont au chômage en Europe, dont 5,6 millions de moins de 25 ans. La situation est alarmante dans certains pays comme la Grèce et l'Espagne, où plus d'un jeune sur deux est sans emploi.
"Il s’agit d’une situation d’urgence et nous exhortons les dirigeants européens à agir concrètement pour y faire face. Il y a 5,6 millions de raisons de le faire", affirme Bernadette Segol, de la Confédération européenne des syndicats (CES), invitée pour la première fois à un sommet européen.
Mais en coulisses, l'optimisme n'est pas de mise. "Nous ne serons pas en mesure de résoudre l'ensemble du problème du chômage" avec les initiatives sur la table, a prévenu un diplomate européen.
Les Européens cherchent à traduire en actes leur "Garantie pour la jeunesse", qui prévoit d'offrir une formation ou un emploi à chaque jeune dans les quatre mois après la fin de ses études ou la perte de son emploi.
La Commission européenne a proposé que les six milliards d'euros prévus pour l'emploi des jeunes dans le cadre du budget européen 2014-2020 soient mobilisés sur deux ans au lieu de sept, avec 3,6 milliards dès 2014.
A quelques heures de l'ouverture du sommet, un accord politique entre les présidents de la Commission, de l'UE et du Parlement européen a été arraché jeudi matin. Il doit encore être approuvé par une majorité qualifiée des 754 députés européens, et les deux principaux groupes du Parlement se dirigent vers son approbation.
Mais il y a aussi l'écueil du chèque britannique. Si cette question très technique n'était pas réglée, elle pourrait mettre en danger l'accord. Avec M. Cameron, "on ne peut rien exclure", a prévenu M. Schulz.
Au yeux de plusieurs dirigeants de gauche, l'enveloppe de 6 milliards d'euros semble encore trop faible. "Il faudrait 6 milliards d'euros chaque année pour sortir des centaines de milliers de jeunes des rues", a estimé le chancelier autrichien, le social-démocrate Werner Faymann.
Parmi les autres idées sur la table, il y a le recours au Fonds social européen (FSE) et à la Banque européenne d'investissements BEI, qui pourrait également servir au financement des PME (petites et moyennes entreprises), en manque d'accès au crédit. La Commission et la BEI proposent aussi de développer de nouveaux instruments pour augmenter la capacité de prêts aux PME.
En dehors de l'urgence du chômage des jeunes, les dirigeants doivent faire le point sur la construction de l'union bancaire, après l'accord trouvé dans la nuit de mercredi à jeudi sur la manière de restructurer ou de liquider les banques en difficultés en épargnant les contribuables.
Le sommet intervient aussi dans un climat tendu entre Paris et Bruxelles, après les récents échanges virulents entre la France et le président de la Commission, José Manuel Barroso, sur l'exception culturelle. François Hollande a tenté de calmer le jeu jeudi. "C'est sur les politiques européennes que nous nous déterminons, les questions de personnes sont secondaires", a-t-il assuré en arrivant à Bruxelles.