A la veille de la journée mondiale sans tabac et de l'annonce par le gouvernement français de nouvelles mesures de lutte contre le tabagisme, les buralistes et les cigarettiers s'inquiétaient surtout de la forte poussée des ventes illicites, dopées par les hausses de prix successives.
La ministre de la Santé, Marisol Touraine, doit annoncer vendredi des mesures contre le tabagisme, ciblant notamment les femmes et les jeunes.
"La politique de lutte contre le tabagisme menée en France depuis dix ans n'a pas porté ses fruits car il s'agit d'une somme de mesures coercitives (chocs fiscaux, images sur les paquets) qui ont tenu la prévention à l'écart", a dit à l'AFP un porte-parole de Seita.
Selon lui, l'Allemagne est parvenue par la prévention à faire reculer le taux de fumeurs chez les jeunes de 27% à 11% en dix ans, alors que la publicité pour les cigarettes est autorisée dans la rue et que les prix sont inférieurs à ceux de la France.
Tout en reconnaissant l'opportunité de mener une politique de santé publique, buralistes comme cigarettiers ont néanmoins appelé de leurs voeux la mise en place d'un véritable plan de lutte contre le commerce illicite : achats à l'étranger, via internet, sous le manteau.
"Si on veut vraiment faire baisser le tabagisme en France, commençons par ne pas donner la possibilité au consommateur de pouvoir acheter un paquet à un prix deux fois moins cher que dans le réseau officiel", a déclaré à l'AFP Pascal Montredon, président de la confédération des buralistes.
"Les augmentations de prix permanentes ne font pas baisser le tabagisme, en revanche ça fait exploser le marché parallèle", a-t-il lancé.
Les Douanes estimaient l'an dernier que 20% des cigarettes fumées en France n'étaient pas achetées dans le réseau légal des buralistes mais obtenues sur le marché parallèle.
Selon les professionnels, les ventes sur internet ou encore les "illicit whites" (marques étrangères à bas coût importées illégalement en France) ont "explosé" depuis le "choc fiscal" de 2003/04 lorsque les prix ont bondi de 40%. Le fabricant Philip Morris devrait révéler mi-juin sa dernière étude sur les "illicit whites".
Trois milliards d'euros en moins pour l'Etat
"Le marché parallèle fait qu'une partie du marché du tabac devient en réalité dérégulé", échappant à toute réglementation et fiscalité, a souligné un industriel.
Pour Daniel Sciamma, PDG de Japan Tobacco (JTI) en France, "le décalage de la fiscalité entre la France et ses voisins européens est essentiellement le facteur qui motive les différences de prix. Aujourd'hui, la pression fiscale en France est la plus élevée d'Europe".
Il ressort d'une étude réalisé récemment en France par la Seita que la moitié du tabac consommé dans le nord de la France (du Pas-de-Calais aux Ardennes) est acheté au-delà des frontières (43% des cigarettes et 79% du tabac à rouler) et, près de l'Espagne, 44% des cigarettes fumées sont achetées hors de France.
"Aux alentours de 3 milliards d'euros échappent aux caisses de l'Etat" français, a relevé M. Montredon.
Lassés d'être les "bouc-émissaires d'une politique de santé publique qui ne fonctionne pas puisque la consommation en France ne baisse pas", les buralistes réclament "un véritable plan de lutte contre le marché parallèle".
Depuis plusieurs semaines, les buralistes multiplient les manifestations dans le pays. Dernière escale jeudi à Toulouse où ils étaient près de 1.300 à réclamer une lutte accrue contre la contrebande et à protester contre la hausse des prix.
Car, après la dernière augmentation d'octobre, ils craignent l'arrivée de deux hausses successives dans les prochains mois : la première en juillet ou en octobre du fait de la hausse de la fiscalité sur le tabac, et la seconde avec l'impact de la hausse de TVA au 1er janvier 2014.
Pour la première fois depuis les années 2003/2004, le marché des cigarettes a enregistré une baisse de 2,50% en valeur au premier trimestre 2013 (-8,6% en volume) par rapport à la même période de 2012, selon des chiffres du distributeur, Altadis.