L'Union européenne a approuvé jeudi le transfert aux autorités américaines, au nom de la lutte anti-terroriste, des données sur les passagers des vols transatlantiques, malgré les craintes que ce texte porte atteinte au respect de la vie privée.
Le Parlement européen, réuni en session plénière à Strasbourg, a validé par 409 voix contre 226 cet accord négocié entre Bruxelles et Washington, qui autorise durablement le transfert de ces données concernant les quelque 48 millions de passagers qui voyagent chaque année entre les deux continents.
Les Etats-Unis ont immédiatement "applaudi" ce vote, qui va permettre de garantir "la sécurité des voyageurs", a indiqué l'ambassadeur américain auprès de l'Union européenne, William Kennard.
Le transfert des données "a aidé dans pratiquement toutes les enquêtes américaines de premier plan sur le terrorisme au cours des dernières années" pour arrêter les auteurs d'attentats, a-t-il assuré.
Les données en question, dites "PNR" (Passenger name record), sont fournies par les voyageurs eux-mêmes aux transporteurs aériens: nom et coordonnées du passager, dates et itinéraire du voyage, moyens de paiement utilisés, numéro de la carte de crédit, agence de voyage, informations sur les bagages, menu réservé à bord, etc.
Actuellement, ces informations sont déjà transmises aux autorités américaines, mais dans le cadre d'un accord provisoire contesté. Les eurodéputés avaient rejeté une première mouture de ce texte en 2007, ce qui a forcé la Commission européenne à en négocier l'an dernier une nouvelle version avec Washington.
Selon ses partisans, le nouveau texte apporte davantage de garanties en matière de respect des libertés individuelles. Ainsi, l'accord prévoit que les données PNR ne seront utilisées que pour lutter contre le terrorisme ou les crimes graves (passibles d'au moins trois ans de prison aux Etats-Unis).
Elles ne pourront être conservées que pendant dix ans pour les crimes graves, quinze ans pour le terrorisme.
Par ailleurs elles devront être rendues anonymes au bout de six mois, les noms n'étant alors accessibles que sous certaines conditions strictes, et être transférées au bout de cinq ans dans des banques de données "dormantes" faisant l'objet de contrôles supplémentaires.
Ces garanties n'ont pas convaincu les élus d'extrême gauche, les verts et les libéraux, ainsi qu'une partie des socialistes.
"Personne ne nie qu'il soit nécessaire de lutter contre le crime organisé et le terrorisme. Mais nous ne sommes pas d'accord sur l'utilisation des données à d'autres fins", comme la lutte contre l'immigration illégale, a plaidé la rapporteur du texte, l'eurodéputée libérale néerlandaise Sophie In't Veld.
"Certes, la politique est l'art des compromis, mais les droits fondamentaux ne sont pas négociables", a-t-elle martelé. La rapporteur s'est déclarée "déçue qu'après neuf ans de négociations avec nos plus proches amis et alliés, les Etats-Unis, nous n'ayons obtenu qu'un accord approuvé du bout des lèvres par un parlement divisé".
La commissaire européenne chargée du dossier, Cecilia Malmström, a reconnu que le texte n'était "pas parfait à 100%", mais a assuré que pour autant il respectait "pleinement le droit européen". En outre elle a mis en avant que de nouvelles négociations avec les Etats-Unis étaient impossibles.
En cas de rejet de l'accord, les données auraient continué à être collectées par les autorités américaines, mais hors de tout cadre juridique, ce qui aurait limité les possibilités pour les Européens d'en contrôler l'utilisation, a-t-elle fait valoir. En outre, les compagnies aériennes risquaient d'être confrontées à des actions en justice de la part des passagers.
Après le vote, les Verts ont critiqué un accord qui "constitue encore un pas vers un Etat policier".