Castorama et Leroy Merlin vont pouvoir maintenir ouverts leurs magasins franciliens le dimanche, un répit obtenu mardi en justice qui menace de relancer le débat sur l'ouverture dominicale des commerces.
Les deux enseignes de bricolage bravaient depuis fin septembre une injonction de fermeture rendue contre 15 de leurs magasins d'Ile-de-France par un juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, saisi par leur concurrent Bricorama.
La cour d'appel de Paris leur a donné raison mardi en infirmant cette décision. Dans ses attendus, elle a jugé "irrecevables" les demandes de Bricorama, au nom de "l'autorité de la chose jugée".
Le groupe, qui s'estimait victime de concurrence déloyale faute de dérogation l'autorisant lui aussi à ouvrir le dimanche, avait en effet déjà porté l'an dernier une plainte similaire, dont il avait été débouté à deux reprises, en décembre 2012 puis en avril 2013.
Le 26 septembre, le tribunal de commerce de Bobigny avait au contraire jugé que Castorama et Leroy Merlin étaient "ouverts (ndlr, le dimanche) en violation flagrante" des dispositions du code du travail.
Il avait assorti son injonction de fermeture d'une astreinte de 120.000 euros par magasin et par dimanche ouvert.
Castorama et Leroy Merlin, "soulagés", ont souligné mardi que la décision de la cour d'appel "n'est qu'une première étape".
Une nouvelle audience est programmée le 22 novembre à Bobigny sur le fond de l'affaire. Le jugement est attendu d'ici la fin de l'année tout comme les conclusions d'un rapport gouvernemental sur la question.
"Ce n'est pas une victoire, car il reste encore l'audience au fond au tribunal de Bobigny", a souligné un porte-parole de Leroy Merlin.
"Au final, la décision d'aujourd'hui n'apporte donc qu'un répit de quelques semaines pour les salariés", a renchéri l'avocat de Castorama, Me Richard Renaudier.
Bricorama en appelle au gouvernement
Le PDG de Bricorama a regretté pour sa part une "décision d'injustice", "totalement incompréhensible". "Une fois de plus (...) ce sont les puissants qui dictent leur loi", a déploré Jean-Claude Bourrelier.
Outre le fait d'avoir été débouté de sa demande, il a également été condamné à payer 12.000 euros de dommages et intérêts.
Il a renouvelé son appel au gouvernement pour "revoir la législation" sur les ouvertures dominicales des commerces afin qu'ils soient "ou tous ouverts ou tous fermés".
Une position pour le coup appuyée par ses deux concurrents.
"Il faut un nouveau texte de loi pour régler définitivement" la question, a déclaré Me Renaudier.
Aujourd'hui, "nous avons deux décisions de justice contradictoires à un mois d'intervalle, cette situation est illisible, personne n'y comprend plus rien", a souligné le représentant de Leroy Merlin.
Il a demandé à ce que tous les magasins de bricolage d'Ile-de-France, y compris Bricorama, soient "une bonne fois pour toutes" autorisés à ouvrir le dimanche.
Actuellement, la loi interdit aux enseignes de bricolage d'ouvrir leur portes le dimanche, contrairement à celles d'ameublement et de jardinage.
Plusieurs le sont malgré tout, grâce à des dérogations ou à un classement en "puce" (ndlr, périmètre d'usage de consommation exceptionnelle).
Une mission de concertation sur le travail dominical, confiée début octobre à l'ancien PDG de la Poste, doit rendre ses conclusions fin novembre.
Plusieurs députés de droite ont déposé le 10 octobre une proposition de loi "visant à introduire un assouplissement d’urgence des dérogations au repos dominical".
Les Français se déclarent majoritairement(69%) favorables à l'ouverture des commerces le dimanche, selon un sondage Ifop pour Metronews.
Les salariés du bricolage clament, eux, leur volonté de continuer à travailler le dimanche contre repos compensateur supplémentaire ou revalorisation salariale.
Le collectif "Les Bricoleurs du dimanche" a prévu d'aller manifester mercredi sous les fenêtres du ministère du Travail.
Force Ouvrière, à l'origine de la plainte contre Bricorama, a déclaré à l'AFP mardi que bien qu'ayant laissé "tomber la bagarre sur les dimanches en ce qui concerne les puces et les zones touristiques", il reste farouchement opposé aux ouvertures dominicales via des autorisations préfectorales qui "parfois sont complètement illégales".