L'heure de vérité approche pour la TVA dans la restauration: le gouvernement tranchera mi-novembre sur l'abandon ou non de cet avantage hérité de l'ancienne majorité, défendu par la profession au nom de l'emploi.
Vendredi, Bercy a reconnu que la concertation menée par la ministre Sylvia Pinel avait pris du retard. "Il reste des divergences sur les chiffres avec les restaurateurs", et "on a besoin d'approfondir les choses", explique-t-on.
Mme Pinel veut déterminer si les restaurateurs ont respecté leurs engagements en matière de baisse des prix, les créations d'emploi, les conditions d'emploi et les investissements, pris en 2009 et renouvelés l'an dernier en contrepartie de la TVA réduite.
D'ici là, "aucune décision ne sera prise à la va-vite", avait-elle assuré lors de sa dernière intervention devant les restaurateurs, mi-octobre au congrès de la deuxième organisation patronale, le Synhorcat. "Nous agirons dans un souci de justice et d'égalité", avait-elle promis.
L'Elysée avait dû démentir le lendemain une information d'Europe 1 selon laquelle il s'apprêtait à relever la TVA, dont le taux réduit coûte selon la Cour des comptes 3 milliards d'euros par an à l'Etat.
Mardi, la parole sera aux adversaires de la TVA réduite, avec un rapport du député de Saône-et-Loire Thomas Thévenoud, devant la Commission des finances de l'Assemblée nationale.
Hostile au statu quo, il a pour l'instant gardé le silence sur les mesures qu'il préconise: alignement sur le taux commun de 19,6%, ou remontée du taux intermédiaire (actuellement 7%) à 10, 12 voire 15%.
Cette solution aurait l'avantage de ménager un peu les restaurateurs, l'un des premiers employeurs de France, mais pourrait virer au casse-tête, seuls trois taux de TVA étant autorisés dans chaque pays européen.
Un chiffon rouge: l'emploi
Il faudrait alors décider si des services comme les travaux de rénovation, les transports, ou les hôtels, remontent avec la restauration ou passent à 5,5%.
De leur côté, les restaurateurs n'ont pas attendu de savoir à quelle sauce ils seraient mangés pour agiter un chiffon rouge: l'emploi. Une remise en cause de l'avantage fiscal "contribuerait à détruire toute une profession", répètent l'ensemble des organisations qui les représentent.
"Tout relèvement du taux de TVA de la restauration aurait des répercussions dramatiques en termes de destructions d'emplois - que nous estimons à 100.000 sur tout le territoire - et de défaillances d'entreprises", selon elles.
Elles assurent aussi avoir rempli le "contrat d'avenir" passé avec les pouvoirs publics.
Au sujet des prix, les restaurants devaient répercuter la baisse de TVA sur une sélection de plats, et non sur l'ensemble de la carte, rendant les comparaisons délicates. Selon l'Insee, les prix dans les restaurants et cafés ont baissé dès juillet 2011, mais ont repris leur hausse trois mois plus tard.
Les restaurateurs promettaient aussi en 2009 20.000 emplois nouveaux par an, en plus des 15.000 déjà créés chaque année en moyenne par le secteur. Le "contrat d'avenir" précisait toutefois que cet engagement se lirait "en fonction de la conjoncture économique", qui s'est révélée excécrable.
En tout état de cause, s'il décide de faire payer le prix fort aux restaurateurs, l'exécutif pourra trouver au sein même des toques blanches un rare allié.
Un relèvement à 19,6% est en effet défendu dans une lettre envoyée vendredi à l'Elysée, par Xavier Denamur, propriétaire de plusieurs établissements. Ce restaurateur iconoclaste juge que la TVA réduite profite avant tout aux grands groupes et à la "malbouffe".