Les ministres des Finances européens se sont séparés dans la nuit de vendredi à samedi sans être parvenus à s'entendre sur des règles communes pour renflouer ou liquider les banques en difficulté, et doivent se revoir la semaine prochaine pour tenter de surmonter cet échec.
Malgré une réunion marathon qui a duré 18 heures, "nous avons manqué de temps" pour rapprocher suffisamment des points de vue encore très éloignés, a déploré le ministre irlandais, Michael Noonan, qui présidait cette réunion à Luxembourg.
Les discussions ont toutefois permis d'accomplir "90% du chemin" et "nous sommes près d'un accord", a affirmé son homologue français Pierre Moscovici. Une nouvelle réunion a été fixée à mercredi.
Les Européens avaient déjà déterminé au préalable qui devra mettre la main à la poche quand il s'agira de renflouer ou de liquider une banque, et dans quel ordre: d'abord les actionnaires, puis les créanciers les moins bien assurés, puis le cas échéant les détenteurs d'obligations dits "seniors" et en dernier recours les déposants, au-delà de la somme de 100.000 euros.
Mais ils ne sont pas parvenus à s'entendre sur le degré de flexibilité à donner à ce mécanisme. La France ou le Royaume-Uni veulent pouvoir adapter ce schéma selon les cas de figure. Paris souhaite par exemple pouvoir protéger, dans certaines circonstances, les déposants individuels et les PME.
D'autres pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou la Finlande, défendent au contraire des règles les plus strictes possibles, pour éviter l'incertitude qui risque de faire fuir investisseurs et déposants. Ils veulent aussi faire en sorte que tout recours à l'argent public soit à l'avenir évité.
Au cours de la réunion de vendredi, une autre ligne de fracture est apparue, cette fois entre les pays membres de la zone euro et ceux qui n'en font pas partie.
L'une des difficultés consiste en effet à articuler le nouveau mécanisme, qui fonctionnera pour toute l'Union européenne, avec d'autres réservés à la zone euro, comme la recapitalisation directe des banques par son fonds de secours, le Mécanisme européen de stabilité (MES), a expliqué une source diplomatique.
"Il est important de ne pas faire de distinction entre la zone euro et ceux qui n'en font pas partie, car (nos banques) seront en concurrence pour les mêmes clients", a souligné la ministre danoise, Margrethe Vestager, dont le pays n'appartient pas à l'union monétaire.
Une difficulté reconnue par le commissaire européen aux Services financiers et au marché intérieur, Michel Barnier. Il faut faire en sorte que "la flexibilité ne porte pas atteinte à l'intégrité du marché intérieur" en instaurant des règles trop différentes d'un Etat à l'autre, a-t-il expliqué dans un communiqué.
Il a cependant jugé que "les positions des différents Etats sont difficiles à réconcilier, mais elles ne sont pas incompatibles".
Pour M. Moscovici, il reste finalement "très peu de points à régler" pour parvenir à un compromis. Un avis partagé par le ministre allemand Wolfgang Schäuble. "Je crois que nous allons arriver à un bon résultat la semaine prochaine", a-t-il affirmé.
S'ils y parviennent, les ministres auront fait un nouveau pas important vers la mise en place de l'union bancaire, souhaitée par les Européens pour éviter une nouvelle contagion entre crise des banques et crise de la dette.
En revanche, s'ils échouent et renvoient leurs discussions au second semestre, le calendrier parlementaire risque d'être trop serré pour que le texte soit adopté définitivement avant mai 2014, date des élections européennes.
"Cet accord est essentiel car nous devons progresser sur l'union bancaire, il y a urgence. Ni nos citoyens ni les marchés n'accepteront de délais trop longs", a insisté M. Barnier.
Fin 2012, c'est déjà dans la douleur qu'un accord avait été trouvé sur le premier pilier de l'union bancaire, le mécanisme de supervision unique, qui devrait entrer en vigueur au second semestre 2014.
Sur un tout autre sujet, les Européens ont entériné vendredi les recommandations macroéconomiques faites par la Commission aux 27. Cela signifie notamment que le délai de deux ans accordé à la France, jusqu'en 2015, pour ramener son déficit en-deçà de 3% est désormais gravé dans le marbre.