L'or vole de record en record, l'euro repart à l'assaut du dollar, le pétrole grimpe et les Bourses s'envolent : une vague d'euphorie s'est emparée des investisseurs, gonflés à bloc par le retour à la croissance de l'économie mondiale et les profits insolents de vedettes de Wall Street.
Alors que les courtiers avaient prévenu il y a quelques semaines qu'il fallait s'attendre à des turbulences en ce mois d'octobre, une période traditionnellement néfaste pour les Bourses, les marchés se sont au contraire engouffrés dans un "rally" automnal, prolongeant leur remontée spectaculaire entamée au printemps.
L'or a battu ses records historiques de 2008, et s'avance de jour en jour vers le seuil encore jamais atteint des 1.100 dollars l'once.
Le pétrole est remonté cette semaine au dessus de 75 dollars le baril à New York, le "prix d'équilibre" pour les pays de l'Opep, après avoir dégringolé à une trentaine de dollars l'an dernier.
Le marché des devises est lui aussi pris d'une fièvre qu'il n'avait plus connue depuis des mois.
Le billet vert, qui avait été paradoxalement renforcé par la crise financière, dégringole sévèrement par rapport aux autres grandes devises, comme l'euro qui est en passe de remonter au-dessus de 1,50 dollar, faisant dire à Mannus Cranny, analyste chez MF Global, que "le dollar présente tous les symptômes d'un patient mûr pour une opération à coeur ouvert".
Et, symbole absolu de la confiance retrouvée des investisseurs, le Dow Jones, l'indice vedette de Wall Street, a franchi mercredi le seuil des 10.000 points pour la première fois depuis un an et la débâcle qui avait suivi la chute de Lehman Brothers, sous les applaudissements des courtiers du New York Stock Exchange.
Parmi les facteurs de cette envolée, il faut commencer par le rétablissement, bien que très progressif et encore fragile, de l'économie mondiale.
Les germes de la croissance, apparus au printemps, se sont enracinés.
La France, l'Allemagne et le Japon sont officiellement sortis de la récession, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne devraient pas tarder à les imiter. La Chine quant à elle devrait enregistrer une croissance de 8,5% cette année, d'après le FMI.
Mais la cerise sur la gâteau a été les bénéfices trimestriels plus épais que prévus annoncés cette semaine par plusieurs chouchous de Wall Street, le géant électronique Intel et les banques JPMorgan et Goldman Sachs.
"La saison des résultats d'entreprises aux Etats-Unis a jusqu'ici apporté aux investisseurs mondiaux exactement ce qu'ils voulaient", résume Ian Williams, d'Altium Securities.
A tel point que plusieurs experts commencent à craindre le développement d'une nouvelle "bulle".
Si la saison des résultats américains continue sur le même mode, "le mouvement d'euphorie pourrait virer carrément à l'hystérie", met ainsi en garde Howard Wheeldon, stratégiste du cabinet londonien BGC Partners.
Il s'inquiète en effet de la glissade ininterrompue du dollar, que l'ensemble de la planète risque de payer très cher, car elle pourrait saper les fondements de la reprise économique, notamment en Europe.
"Le problème est que le pétrole et beaucoup d'autres matières premières sont libellés internationalement en dollars, et si la valeur de cette devise s'effondre, leurs prix s'ajustent automatiquement à la hausse, et c'est nous tous qui paierons les pots cassés", explique-t-il.