Les magasins d'électroménager sont pris d'assaut au Venezuela depuis que le président Nicolas Maduro a ordonné une baisse des prix de ces produits dans l'intention de lutter contre une inflation record, à moins d'un mois d'élections municipales cruciales pour le pouvoir.
Dénonçant une hausse artificielle des tarifs par des entrepreneurs privés menant "une guerre économique" contre son gouvernement, le président Maduro a lancé vendredi soir une opération pour imposer dans ce secteur des rabais de 50 à 60%.
Il a précisé dimanche qu'il l'étendrait cette semaine aux secteurs du textile, de l’alimentation, des jouets, des quincailleries et de l'automobile.
Dès vendredi soir, la chaine d'électroménager Daka s'est trouvée dans le collimateur du pouvoir: "J'ai ordonné l'occupation de cette chaîne de magasins et de mettre les produits à la vente à un prix juste, et qu'il ne reste rien dans les rayons, rien dans les entrepôts", avait alors déclaré le président Maduro dans un discours dans l'Etat d'Anzoategui (ouest).
Avec une économie reposant sur des importations massives financées par les plus importantes réserves de pétrole au monde, le Venezuela affichait en octobre une inflation annualisée de 54,3%.
Dans les faits, des inspecteurs de l'Institut de défense des consommateurs pour l'accès aux biens et services (Indepabis) écument les magasins, appuyées par les forces de l'ordre, imposant des baisses de tarifs aux gérants. Selon la presse locale, certains d'entre eux ont été arrêtés.
Lundi, Ana Garcia, jeune directrice commerciale, attend depuis déjà deux heures aux côtés d'au moins 200 personnes pour entrer 10 par 10 dans un de ces magasins à Caracas, où deux policiers montent la garde.
"La mesure de Maduro est bonne pour nous, mais je suppose qu'elle est mauvaise pour le chef d'entreprise. S'il est vrai (comme l'assure le président) que les propriétaires des magasins importent leurs produits au dollar officiel (6,3 bolivares) et les revendent en se basant sur le taux parallèle (plus de huit fois supérieur), alors ils se moquent du peuple", déclare-t-elle à l'AFP alors que de nombreux acheteurs sortent de la boutique avec des écrans plasma, des micro-ondes, des machines à laver...
Qui pille qui ?
"C'est un pillage légal !", se réjouit dans un autre commerce de la capitale un acheteur qui vient de faire l'emplette d'une télévision pour 18.000 bolivares, affichée jusqu'à ce week-end à 37.000 bolivares.
"Qui pille qui ? Le propriétaire d'un magasin qui vend 200.000 bolivares, 1.200% fois plus, un produit qu'il a acheté avec des dollars préférentiels (au taux officiel) ou le peuple qui peut acheter grâce à son gouvernement au prix juste ?", s'est interrogé dimanche le président, qui a par ailleurs annoncé la fermeture des sites internet affichant le taux de change du dollar parallèle.
Placé sous le coup d'un strict contrôle des changes depuis 2003, le Venezuela subit une pénurie de dollars qui freine l'économie, empêchant les importations et provoquant l'envolée du billet vert au marché noir ainsi que de fréquentes pénuries de biens de consommation courante tels que le café, le lait, la farine, les couches ou le papier hygiénique.
Les chefs d'entreprises se plaignent de ne pas recevoir du gouvernement assez de dollars pour financer leurs importations et de devoir s'en procurer au marché noir, les contraignant à augmenter leurs prix.
Le gouvernement en réponse accuse les importateurs de spéculer en payant avec des dollars officiels des produits revendus au prix du dollar parallèle. Et le président Maduro a affirmé qu'il limiterait les bénéfices du secteur privé.
Le président de la fédération patronale Fedecamaras, Jorge Roig, qui a reconnu des "pratiques déloyales" de la part de certains entrepreneurs, a toutefois rejeté lundi les dernières décisions du gouvernement.
Pour lui, le moyen de détecter les spéculateurs consiste à publier la liste des entreprises ayant reçu des dollars officiels.
Le gouvernement "dit qu'il a distribué 34 millions de dollars, alors qu'il publie la liste et là, les Vénézuéliens nous pourrons savoir de qui il s'agit", a-t-il réclamé sur une radio locale.
"Et quand seront écoulés les stocks d'appareils électroménagers... il restera le vide", a estimé pour sa part sur Twitter le directeur de l'institut d'enquêtes d'opinion Datanalisis, Luis Vicente Leon pour qui "la spéculation (est) caractéristique des économies contrôlées".