KABOUL/BERLIN/LONDRES/WASHINGTON (Reuters) - Une fusillade a éclaté lundi à l'aéroport de Kaboul entre des assaillants non identifiés et les forces de sécurité afghanes et occidentales, alors que des milliers d'Afghans et d'étrangers s'y pressent toujours dans l'espoir de quitter le pays, une semaine après la prise de la capitale par les taliban.
D'après l'armée allemande, ces échanges de tirs à la porte nord de l'aéroport - qui ont impliqué des militaires allemands et américains - ont fait un mort et trois blessés dans les rangs des forces de sécurité afghanes qui appuient les forces américaines contrôlant l'aéroport.
La chaîne américaine CNN a rapporté qu'un tireur à l'extérieur de l'aéroport, où patrouillent les taliban, a ouvert le feu contre des gardes afghans postés dans l'enceinte de l'aéroport. Ces derniers ont riposté mais ont été la cible de tirs des forces américaines, toujours selon CNN.
Deux responsables de l'Otan présents sur place ont précisé que la situation était désormais sous contrôle et que l'ensemble des portes de l'aéroport avaient été fermées.
A l'approche de la date prévue pour le retrait définitif des forces américaines et internationales, à la fin du mois, l'aéroport de Kaboul a été pris d'assaut depuis la chute de Kaboul et le théâtre depuis une semaine de nombreuses scènes de chaos.
Sept Afghans y sont morts samedi dans des mouvements de foule au niveau de portes d'accès et les combattants taliban qui contrôlent les abords de l'aéroport ont tiré des coups de feu en l'air et utilisé des matraques dimanche pour tenter de contenir la foule.
PROLONGATION APRÈS LE 31 AOÛT ?
Alors que le président des Etats-Unis Joe Biden n'a pas exclu dimanche que les troupes américaines restent en Afghanistan au-delà du 31 août, afin de superviser les opérations d'évacuation "difficiles et douloureuses", un responsable taliban a déclaré lundi à Reuters qu'aucune demande en ce sens n'avait été formulée pour l'instant.
Le Premier ministre britannique Boris Johnson, dont le pays assure actuellement la présidence du Groupe des Sept (G7), compte demander à Joe Biden de repousser cette date limite lors de la réunion par visioconférence des dirigeants des sept pays parmi les plus puissants du monde prévue mardi, ont annoncé lundi deux de ses ministres.
James Heappey, ministre britannique des Forces armées et James Cleverly, secrétaire d'Etat au ministère des Affaires étrangères, ont précisé lundi que le Royaume-Uni pressait pour un report de la date butoir du 31 août afin de permettre davantage d'évacuations.
Deux sources au sein des taliban ont toutefois indiqué lundi à Reuters que les insurgés islamistes n'accepteront pas une prolongation de la présence des forces occidentales en Afghanistan.
Lors de la réunion du G7, Londres compte également plaider pour de nouvelles sanctions contre les taliban, selon des sources au fait du dossier.
Le Royaume-Uni estime que le G7 devrait envisager des sanctions économiques et l'arrêt des aides à l'Afghanistan en cas de violations des droits de l'homme ou si les taliban permettent que l'Afghanistan redevienne une base pour le terrorisme international, selon un responsable gouvernemental britannique qui a requis l'anonymat et un diplomate occidental.
Interrogé dimanche sur l'éventualité que les Etats-Unis soutiennent cette initiative britannique, Joe Biden a répondu par l'affirmative, en précisant que cela dépendrait du "comportement" des taliban.
Il a précisé que pour l'instant, les taliban ont largement respecté leur engagement de ne pas s'attaquer aux forces internationales pendant leurs opérations de retrait et qu'ils n'ont lancé aucune action contre les forces américaines contrôlant l'aéroport de Kaboul.
Joe Biden a précisé que plus d'une vingtaine de pays de quatre continents procédaient à des évacuations de ressortissants et d'Afghans menacés.
Pour accélérer les opérations, les Etats-Unis ont fait appel dimanche à l'aide de six compagnies aériennes commerciales, mobilisant 18 avions pour assurer le transport depuis des pays tiers de personnes déjà évacuées d'Afghanistan sur des vols militaires.
Les taliban ont annoncé avoir repris trois districts de la province de Baghlan, dans le nord du pays, qui étaient brièvement passés sous le contrôle des forces d'opposition. Ils ont aussi encerclé les forces d'opposition dans la vallée du Panshir, un ancien bastion des opposants aux insurgés au nord-est de Kaboul.
"L'ennemi est assiégé dans le Panshir", a déclaré sur Twitter (NYSE:TWTR) le porte-parole des talibans, Zabihullah Mujahid.
Dimanche, Ahmad Massoud, fils du commandant Ahmad Shah Massoud, héros assassiné de la résistance contre l'occupation soviétique en Afghanistan dans les années 1980, a dit espérer qu'un dialogue puisse s'ouvrir avec les taliban mais ajouté que les forces qu'il dirige étaient prêtes à se battre.
(Reportage Rupam Jain à Kaboul, Caroline Copley à Berlin, Andrew MacAskill à Londres et Andrea Shalal à Washington ; version française Dagmarah Mackos et Myriam Rivet, édité par Blandine Hénault)