par Max Hunder et Jonathan Landay
KYIV (Reuters) - La Russie a frappé lundi plusieurs villes d'Ukraine dont la capitale Kyiv, ciblant à fois des infrastructures stratégiques mais aussi des endroits fréquentés par des civils, en représailles à l'explosion qui a partiellement détruit le pont de Crimée samedi.
Selon un bilan diffusé par les services d'urgences ukrainiens via Telegram, ces attaques ont fait au moins 11 morts et une soixantaine de blessés, tandis que quatre régions (Lviv et Ternopil dans l'ouest, Poltava et Soumy dans l'est) sont depuis privées d'électricité.
L'approvisionnement en électricité est également perturbé dans différentes zones, indique-t-on de même source.
A Kyiv, des missiles de croisière ont frappé des lieux publics fréquentés comme des carrefours routiers, des parcs et des sites touristiques du centre-ville, des frappes d'une intensité sans précédent y compris lors de l'offensive des troupes russes dirigée contre la capitale ukrainienne au début de la guerre il y a plus de sept mois.
Des explosions ont également été entendues à Lviv, Ternopil et Jytomyr, dans l'ouest de l'Ukraine, à Dnipro et Kremenchuk, dans le centre du pays, à Zaporijjia dans le sud ainsi qu'à Kharkiv dans l'est du pays.
Le président russe Vladimir Poutine a déclaré dans une intervention télévisée avoir ordonné une série "massive" de frappes de missiles à longue portée ciblant des infrastructures énergétiques, militaires et de communication ukrainiennes en réponse à ce qu'il a qualifié d'attaques terroristes ukrainiennes, dont celle de samedi contre le pont reliant la péninsule ukrainienne annexée de Crimée à la Russie, qui n'a pas été revendiquée.
"Le régime de Kyiv, avec ses actions, s'est placé au même niveau que les organisations terroristes internationales. Comme les groupes les plus détestables. Il est tout simplement impossible de laisser de tels actes sans réponse", a déclaré Vladimir Poutine, en prévenant que Moscou riposterait sévèrement à de futures attaques dirigées contre la Russie.
ESCALADE BIÉLORUSSE
De son côté, le président ukrainien Volodimir Zelensky a déclaré que les frappes russes, ainsi que le moment auquel elles ont eu lieu - en pleine heure de pointe - avaient été délibérément décidées pour faire des victimes ukrainiennes et détruire le réseau électrique du pays.
"Ils essaient de nous détruire et de nous effacer de la surface de la terre", a-t-il déclaré dans un message vidéo. En milieu de matinée, le ministère ukrainien de la Défense faisait déjà état de 81 missiles de croisière lancés par la Russie, dont 43 ont pu être interceptés par les défenses aériennes ukrainiennes.
Le Premier ministre ukrainien, Denis Chmigal, a fait savoir qu'au total, 11 infrastructures majeures avaient été touchées par ces frappes dans huit régions distinctes, privant de larges pans du territoire d'électricité ou d'eau. Il a promis que les services seraient rétablis le plus vite possible.
"La seule tactique de Poutine est la terreur sur les villes ukrainiennes pacifiques, mais il ne brisera pas l'Ukraine. C'est aussi sa réponse à ceux qui veulent parler de paix avec lui : Poutine est un terroriste qui parle avec des missiles", a écrit sur Twitter (NYSE:TWTR) le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmitro Kouleba.
Ces frappes russes sur différentes localités ukrainiennes ont suscité des condamnations internationales, notamment de la part de la France.
Les dirigeants des pays du Groupe des Sept (G7) doivent par ailleurs s'entretenir mardi par téléphone avec Volodimir Zelensky à ce sujet.
Au-delà de cette série de frappes, un autre signe d'accentuation des tensions sur le terrain est venu de Biélorussie.
Le président Alexandre Loukachenko, proche allié de Vladimir Poutine, a annoncé lundi le prochain déploiement d'une force militaire conjointe russo-biélorusse dans le sud de la Biélorussie, au nord de l'Ukraine, alors que selon lui les autorités de Kyiv et leurs alliés occidentaux planifient des attaques contre son pays.
Dans ce contexte, deux ONG humanitaires - le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et Conseil norvégien pour les réfugiés (CNR) - ont décidé de suspendre temporairement leurs opérations en Ukraine, pour limiter les risques sur la sécurité de leurs employés.
(Reportage Jonathan Landay et Max Hunder à Kyiv; Sergiy Chaly à Zaporijjia, Emma Farge à Genève et les bureaux de Reuters ; version française Nicolas Delame, Laetitia Volga et Myriam Rivet, édité par Kate Entringer)