par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Le Parti socialiste s'efforcera d'afficher à Poitiers une unité retrouvée derrière François Hollande et Manuel Valls à moins de deux ans de l'élection présidentielle de 2017, mais sa consolidation est encore semée d'embûches.
L'essentiel s'est joué fin mai lors du vote des militants, qui ont accordé 60% de leurs suffrages à la motion d'orientation soutenue par le gouvernement, avant de reconduire leur premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, avec 70% des voix.
Les contestataires qui dénonçaient une dérive libérale et fragilisaient la majorité parlementaire ont été mis en minorité.
Le chef de l'Etat, le Premier ministre, le patron du PS et leurs proches veulent croire la page de cette "fronde" tournée et le parti désormais prêt à affronter comme un seul homme les élections régionales de 2015 et à la présidentielle de 2017.
"Nous aurons un congrès banal, pré-présidentiel", estime un ministre. "Nous avons un candidat naturel (François Hollande), sauf s'il décide de ne pas y aller. La question était de voir si la ligne social-démocrate était actée, c'est le cas."
"Les militants se sont majoritairement positionnés sur une vision réaliste de l'exercice du pouvoir", renchérit-on dans l'entourage de Manuel Valls.
Un chef de file de la gauche du PS, proche des "frondeurs", prédit lui-même à contrecoeur un congrès "sans enjeu".
QU'EST-CE QU'UNE "RÉFORME DE GAUCHE" ?
Une des seules inconnues est la répartition des 204 sièges du "parlement" du PS, son conseil national. La maire de Lille, Martine Aubry, ralliée à la motion majoritaire, en demanderait 30% pour ses partisans, selon des sources internes au parti.
"Nous aurons samedi une petite commission des résolutions, histoire de ne pas perdre la main, car je souhaite que le PS s'adresse, de manière unanime si possible, au peuple de France", a également annoncé Jean-Christophe Cambadélis.
Mais, espère-t-il, sans le psychodrame au bout d'une nuit blanche auquel donnait lieu la recherche d'une "synthèse" entre les courants du parti lors des congrès passés.
Aile gauche du PS et "frondeurs" sont associés en amont à l'élaboration de cette "adresse au peuple de France", qui sera lue dimanche avant le discours de clôture du premier secrétaire et au lendemain d'une intervention de Manuel Valls.
Mais, selon un de leur chefs de file, le député Laurent Baumel, des désaccords persistaient jeudi sur son contenu, tant sur le diagnostic que les inflexions politiques à effectuer.
Christian Paul, candidat malheureux au poste de premier secrétaire, confirme que les "frondeurs" n'ont pas dit leur dernier mot et prédit la poursuite de la confrontation entre les différentes conceptions de ce qu'est la gauche.
Un débat susceptible d'être alimenté par un sondage de l'Ifop pour L'Obs, selon lequel 46% des Français (49% des sympathisants socialistes) jugent le PS insuffisamment à gauche.
LA MENACE DU CHÔMAGE
Selon l'entourage du Premier ministre, Manuel Valls entend précisément expliquer samedi sa vision d'une "réforme de gauche" et le sens de l'action gouvernementale, trois jours avant l'annonce de mesures en faveur de l'emploi dans les PME.
Les dirigeants socialistes en attendent pour leur part une clarification des relations entre l'exécutif et le parti, qu'ils veulent mieux associé à l'élaboration des lois, et une réponse aux demandes de réforme de la motion majoritaire qu'il a signée.
"Il n'est pas sûr que le congrès suffise pour mettre le PS en ordre de bataille", estime un député proche de l'exécutif.
Jean-Christophe Cambadélis s'est fixé pour objectif de faire du PS un parti de masse engagé dans une "stratégie d'alliance populaire" avec d'autres partis de gauche et les écologistes.
Il a aujourd'hui des allures de vaisseau fantôme, saigné par ses défaites aux scrutins municipal, départemental et européen (40.000 militants en moins en deux ans et demi) et menacé par une nouvelle déroute aux régionales de décembre.
Les derniers chiffres du chômage, contre lequel la politique incarnée par Manuel Valls et son ministre de l'Economie Emmanuel Macron reste jusqu'ici impuissante, sont venus rappeler combien le répit gagné les 21 et 28 mai pourrait être fragile.
"Ce n'est pas de nature à désarmer le débat sur la politique qu'on mène. Il est totalement illusoire de penser qu'on va avoir un congrès unanimiste", prophétise Laurent Baumel.
(Avec Elizabeth Pineau et Grégory Blachier, édité par Yves Clarisse)