Sans emploi, Ana n'arrive plus à payer ses traites et craint de perdre son appartement. Comme elle, de plus en plus de Portugais surendettés en appellent à l'association de protection des consommateurs Deco, qui a vu les demandes d'aide doubler en deux ans.
"Les banques ont plus de respect pour Deco que pour les clients en difficultés", explique Ana, cheveux frisés coupés court, qui a cessé de rembourser les 289 euros mensuels de son crédit logement en septembre, après avoir perdu son travail à cause d'une dépression.
Vivant dans la banlieue de Lisbonne avec un enfant de six ans, cette femme de 36 ans doit rendre "élastique" un budget d'un peu plus de 600 euros par mois, soit le salaire de son mari, métallier-serrurier.
"Pour la nourriture, je ne dépense que 80 euros, car on reçoit des dons d'une association caritative", raconte-t-elle, le regard fuyant derrière ses petites lunettes rondes.
Au bureau de soutien aux surendettés de Deco, elle explique avoir accumulé 2.300 euros de traites impayées et l'association décide de s'adresser à sa banque pour négocier une période de carence, pendant laquelle Ana ne rembourserait que les intérêts.
"Ma plus grande peur est de perdre mon logement, mais je n'avais plus le choix. Soit je remboursais la banque, soit je payais les factures d'eau et d'électricité", dit la jeune femme.
Antonio et Rosalia, couple de quinquagénaires, doivent "entre 50.000 et 60.000 euros" répartis sur une demi-douzaine d'emprunts. Ayant cessé de payer la moitié d'entre eux, Antonio, serveur, s'est vu saisir 30% de son salaire de 900 euros.
"On a été leurrés par la publicité des banques, et quand on se rend compte des intérêts exigés, c'est déjà trop tard", raconte-t-il.
Lorsque le niveau d'endettement est trop élevé pour une restructuration, Deco recommande le recours aux tribunaux pour que la famille soit déclarée insolvable, une issue de plus en plus fréquente.
En 2010, Deco a reçu plus de 17.000 demandes d'aide de familles surendettées, soit deux fois plus qu'en 2008. Sur les trois premiers mois de cette année, le nombre de procédures ouvertes est déjà en hausse de 22% sur un an.
"Il s'agit en moyenne de couples âgés de 35 à 45 ans, avec un enfant mineur, qui ont contracté plus de cinq prêts et sont confrontés à une baisse de leur revenu, provoquée le plus souvent par une perte d'emploi", explique Natalia Nunes, responsable de l'association Deco.
"Depuis quelque temps, observe-t-elle, nous recevons aussi des fonctionnaires, dont les salaires ont baissé" dans le cadre des mesures d'austérité.
Si la crise économique et le chômage record (12,4% au premier trimestre), expliquent l'explosion du nombre de familles surendettées au Portugal, Mme Nunes estime aussi que "les familles, comme l'Etat, ont longtemps dépensé plus qu'elles n'avaient, encouragées par la grande facilité de crédit accordée par les banques".
En mars, d'après la Banque du Portugal, 14,2% des 4,6 millions de familles ayant des prêts bancaires étaient en rupture de paiement. Le taux d'endettement des ménages s'élevait en 2009 à plus de 130% de leur revenu disponible, contre une moyenne de 96% en zone euro.
Face à l'ampleur du phénomène, la mission de l'Union européenne et du Fonds monétaire international a tenu à entendre les responsables de Deco dans le cadre des négociations du plan de sauvetage financier du Portugal.
En échange d'un prêt de 78 milliards d'euros, le pays s'est engagé à une cure de rigueur budgétaire, prévoyant de nouvelles hausses d'impôts et baisses des prestations sociales.
"Avec toutes ces mesures et la hausse des prix, prévient Mme Nunes, les difficultés vont s'aggraver et le nombre de familles surendettées va encore augmenter".