PARIS (Reuters) - L'identification du corps du commanditaire présumé des attentats de Paris parmi les morts de l'assaut mené mercredi par les forces de l'ordre à Saint-Denis constitue un soulagement pour les autorités françaises, désormais confrontées aux failles du renseignement qui ont permis sa présence en France.
Le procureur de Paris, François Molins, a annoncé jeudi que c'était bien le corps criblé d'impacts d'Abdelhamid Abaaoud, un Belge d'origine marocaine âgé de 28 ans, qui a été retrouvé dans l'appartement dévasté de la banlieue de Paris.
Il avait été qualifié par le parquet de "commanditaire présumé" des attentats qui ont fait au moins 129 morts et 352 blessés vendredi soir à Paris et aux abords du Stade de France.
Le Premier ministre, Manuel Valls, a estimé qu'il s'agissait "d'un des cerveaux" des attentats du 13 novembre et le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a déclaré qu'il avait joué un "rôle déterminant" dans ces attaques.
Abdelhamid Abaaoud, qui préparait d'autres attentats selon les autorités, a été identifié grâce à des "traces papillaires", ses empreintes digitales, mais le procureur de Paris a dit ignorer à ce stade s'il s'est fait - ou non - exploser.
L'autre personne tuée mercredi à Saint-Denis est vraisemblablement une femme qui pourrait être sa cousine et qui a déclenché son gilet explosif lors de l'assaut.
Selon la source policière, la jeune femme avait été mise sur écoutes par la Direction générale de la sûreté intérieure (DGSI) pour ses liens avec Abdelhamid Abaaoud et, parallèlement, par la police judiciaire de Seine-Saint-Denis pour trafic de stupéfiants. C'est elle qui, en plus d'un témoignage, aurait mené la police sur la trace du commanditaire.
FIGURE DE L'ÉTAT ISLAMIQUE
Le procureur n'a pas donné jeudi d'indication sur le troisième corps qui pourrait avoir été retiré des décombres de l'appartement de Saint-Denis.
Deux des auteurs présumés des attaques de vendredi sont activement recherchés, Salah Abdeslam et un second homme encore non identifié. Tous deux étaient dans une Seat noire utilisée pour attaquer des terrasses de bars et de restaurants.
La présence d'Abdelhamid Abaaoud en région parisienne alimente le débat sur les failles du renseignement antiterroriste car il est une figure de l'Etat islamique et est à l'origine de plusieurs projets d'attentats ces dernières années.
"Toutes les interrogations sont bien sûr légitimes", a déclaré Manuel Valls, venu défendre la prolongation pour trois mois de l'état d'urgence à l'Assemblée.
L'homme est soupçonné par la France d'être le cerveau de plusieurs attentats commis sur son territoire et sa neutralisation a permis d'en éviter d'autres, a déclaré Bernard Cazeneuve.
Le ministre de l'Intérieur se rendra vendredi à Bruxelles pour obtenir un renforcement de la lutte antiterroriste auprès de ses homologues européens. Selon un projet de conclusions dont Reuters a pu prendre connaissance, les Vingt-Huit vont notamment s'entendre pour renforcer les contrôles d'identité aux frontières extérieures de l'espace Schengen.
ÉTAT D'URGENCE PROLONGÉ
Sans attendre, la France modifie son arsenal répressif.
Les députés français ont donné jeudi leur feu vert par 551 voix contre 6 au prolongement pour trois mois de l'état d'urgence en France, une mesure exceptionnelle appliquée dès samedi pour la première fois depuis 1961 sur tout le territoire national.
Il précise les contours de l'assignation à résidence, rend les perquisitions plus efficaces et accélère les procédures de dissolution, notamment des mosquées salafistes radicales.
Manuel Valls a par ailleurs annoncé la création, d'ici à la fin de l'année, d'une "structure" de prise en charge des jeunes Français radicalisés, qui y seraient admis sur décision judiciaire. Il avait annoncé en avril la création de cette structure, qui ne pourra, a-t-il dit, pas concerner les personnes de retour de zones de djihad comme la Syrie ou l'Irak.
En outre, les policiers qui le souhaitent pourront porter leur arme en dehors de leurs heures de service pendant l'état d'urgence, a annoncé le porte-parole de la police nationale.
Le renforcement des moyens alloués à la sécurité après les attaques coûtera environ 600 millions d'euros en 2016, un montant que le gouvernement ne compensera pas par des économies mais qui ne devrait avoir qu'un impact limité sur les déficits.
La somme a été annoncée à l'ouverture du débat budgétaire pour 2016 au Sénat par le ministre des Finances, Michel Sapin, qui a précisé qu'elle couvrait les créations de nouveaux postes décidées par le président François Hollande et les besoins en équipements liés à ces embauches.
L'inquiétude sur les conséquences économiques des attentats commence par ailleurs à poindre dans la zone euro.
Les attaques peuvent nuire à une reprise économique en Europe déjà fragilisée par le ralentissement des économies des pays émergents, a dit Ignazio Visco, qui siège au Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.
(Service France, édité par Yves Clarisse)