par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE (Reuters) - Droite et extrême droite se disputent la région Provence-Alpes-Côte d'Azur face à un exécutif socialiste à la peine, qui tremble à l'idée de perdre un bastion gagné en 1998.
A moins que les attentats du 13 novembre ne changent fondamentalement la donne du scrutin des 6 et 13 décembre, en nationalisant un débat jusqu'ici centré sur des thèmes locaux.
Selon une enquête Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions réalisée du 19 au 21 novembre, la liste FN conduite par Marion Maréchal-Le Pen obtiendrait 40% des voix dès le premier tour contre 37% avant les attentats du 13 novembre.
Elle devance nettement la liste Les Républicains-UDI-MoDem de Christian Estrosi, créditée de 30% contre 32%. La liste PS-PRG-MRC de Christophe Castaner n'obtiendrait que 16% des voix.
Le président socialiste sortant, Michel Vauzelle, avait surpris en renonçant à briguer un quatrième mandat.
Un "calcul tactique", selon ses détracteurs, destiné à lui éviter d'apparaître comme le responsable d'une "débâcle annoncée" pour un PS régional en pleine restructuration après les échecs des élections municipales et départementales.
Le choix de Christophe Castaner, le député-maire de Forcalquier, comme tête de liste socialiste n'a pas rassuré militants et sympathisants de gauche, qui soulignent le manque de notoriété de leur candidat par rapport aux deux autres.
"Je n'ai pas non plus leur notoriété négative très forte", dit-il à Reuters pour se rassurer.
Autre handicap de taille, la tête de liste PS n'est pas parvenue à réaliser l'union sur son nom.
La présence d'une liste Verts-Front de gauche, créditée d'environ 10% des intentions de vote par les sondages, semble le prédestiner à une inconfortable troisième place à l'issue du premier tour, face à un Front national en plein essor.
La question d'un "front républicain" se pose pour empêcher les listes de Marion Maréchal-Le Pen de s'imposer mais les socialistes du cru sont peu disposés à s'effacer au profit d'une droite jugée incompatible avec les valeurs de la gauche.
"Il y aura la décision politique que nous serons amenés à prendre en fonction du résultat du premier tour et je veux être le plus haut possible pour que cette question ne se pose pas", dit Christophe Castaner.
Sur des terres où il a toujours réalisé ses meilleures moissons électorales, le FN brigue la victoire.
LE FN EN CONQUÊTE
Marion Maréchal-Le Pen a été choisie pour mener le combat par sa tante Marine Le Pen, présidente du FN, et avec le soutien de son grand-père Jean-Marie qui, bien qu'en rupture de ban avec le parti qu'il a cofondé, a appelé ses nombreux soutiens dans la région à se rallier à la députée du Vaucluse.
La benjamine de la famille, qui fêtera ses 26 ans le 10 décembre entre les deux tours du scrutin, a déjà réussi l'union des différentes sensibilités de l'extrême droite, à l'exception d'une liste de la Ligue du Sud conduite par le maire d'Orange Jacques Bompard, qui ne devrait guère la pénaliser.
La jeune égérie du FN n'hésite plus désormais à chasser les voix des déçus de droite jusque dans le fief de Christian Estrosi, dans les Alpes-Maritimes, dont elle a confié les rênes à un des anciens adjoints du maire de Nice.
Chez les Républicains, on mesure le danger que constituerait un "duel d'avant premier tour" avec la candidate frontiste.
"Elle incarne une forme de relève politique. Sa jeunesse est son meilleur atout et c'est un argument difficile à contrer", reconnaît-on dans les rangs du parti.
Christian Estrosi a donc misé sur son expérience de gestionnaire d'une grande ville française, Nice, pour endosser les habits du "capitaine à la barre du navire" apte à ramener "croissance et prospérité" en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Mais il joue aussi de son image droitière pour tenter de déborder la candidate du FN et venir "siphonner" ses voix, comme l'avait fait Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007. "Il court tellement derrière le Front national qu'il a fini par le dépasser", raille Christophe Castaner.
La campagne a pris une nouvelle dimension après les attentats de Paris.
Les compétences régionales ont été mises en sommeil pour laisser la place aux enjeux nationaux, notamment sécuritaires, généralement porteurs pour l'extrême droite et mobilisateurs pour la gauche.
(Edité par Sophie Louet et Yves Clarisse)