par Gérard Bon
PARIS (Reuters) - Le Front national est sorti grand gagnant du premier tour des élections régionales, amplifiant son statut de première force politique et son enracinement, une dynamique dont Marine Le Pen veut faire un tremplin pour la présidentielle de 2017.
Le parti d'extrême droite a certes profité du climat sécuritaire provoqué par les attentats, 16% des ses électeurs disant s'être tourné vers le FN après le 13 novembre, selon une étude Ifop pour iTELE, Paris Match et Sud Radio.
Mais 68% des sympathisants frontistes ont également voulu sanctionner la politique du gouvernement et de François Hollande, précise cette enquête réalisée pendant le scrutin.
Des politologues insistent surtout sur la progression du FN scrutin après scrutin et sur le "siphonnage" de l'électorat de Nicolas Sarkozy, le président des Républicains, dans la continuité des élections européennes et départementales.
Ainsi, 18% des sympathisants de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy ont voté FN dimanche, explique Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop.
Le FN est arrivé en tête dans six régions et a obtenu des scores inédits dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte d'Azur où Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen ont récolté plus de 40% des voix.
Mais il a également réalisé des percées inattendues dans des régions où il était jusque-là peu présent, comme le Centre-Val de Loire avec Philippe Loiseau (30,49%) et Bourgogne-Franche-Comté avec Sophie Montel (31,48%).
L'actualité a servi la dirigeante du FN qui présente les mesures prises par François Hollande après les attentats de Paris - rétablissement provisoire des frontières et déchéance de nationalité pour les binationaux ayant commis des actes de terrorisme - comme une confirmation de ses analyses.
Le sociologue Sylvain Crépon met l'accent sur la porosité croissante entre l'électorat des Républicains et celui du FN, plus de 50% des sympathisants de droite n'excluant plus des alliances entre les deux formations.
POROSITÉ ENTRE LE LR ET LE FN
"Cette porosité est liée au fait que les Républicains ont fait en quelque sorte campagne pour le FN", dit-il en rappelant les propositions de Nicolas Sarkozy sur la sécurité.
Selon lui, François Hollande a pu aussi donner le sentiment de valider le discours de Marine Le Pen en voulant passer par une réforme de la Constitution pour la déchéance de nationalité "dans un but communicationnel".
Jean-Daniel Lévy, de l'institut Harris Interactive, estime que le parti de Marine Le Pen est dans une "phase de consolidation" amorcée en 2010 et qui s'est amplifiée après les attentats de janvier dernier à Paris.
"Ce qui s'est passé hier n'est pas un accident, c'est une tendance lourde qui n'est pas uniquement liée à la thématique des attentats", dit-il.
"Marine Le Pen arrive à faire passer des messages sur la République, la laïcité, l'égalité, bien au-delà du traditionnel thème de l'immigration. Marine Le Pen, quand elle parle, on la comprend", ajoute-t-il.
Pour Frédéric Dabi, l'une des raisons du vote FN "est l'idée qu'il fait un bon diagnostic de la société".
François Miquet-Marty, le président de Viavoice, voit dans le vote l'émergence d'une "contre-société hermétique à tout ce qui vient d'en haut", qu'il s'agisse de l'exécutif, des partis traditionnels ou des élites.
"Au fond, il se constitue dans la société française une contre-société avec des valeurs distinctes, des comportements distincts, une vision du monde distincte", dit-il.
Frédéric Dabi souligne que 33% des électeurs de moins de 25 ans ont voté FN et 43% des catégories populaires, ce qui permet au parti de Marine Le Pen de "se positionner de plus en plus comme une alternative".
"Le FN confirme dans ses bastions historiques, mais il y a un autre FN qui séduit la France du travail inquiète de la mondialisation et très déçue par le quinquennat de Nicolas Sarkozy puis par François Hollande", explique-t-il.
(Avec Elizabeth Pinceau, édité par Yves Clarisse)