PARIS (Reuters) - La France compte entre trois et quatre millions de musulmans et, si 46% d'entre eux se disent totalement laïcs, 28% ont un profil "rigoriste", très marqué chez les jeunes, selon un sondage Ifop pour l'Institut Montaigne publié dimanche.
Le Journal du dimanche publie cette enquête, inédite dans un pays où les statistiques ethniques sont interdites, qui montre que la communauté musulmane est composée majoritairement de jeunes (84% ont moins de 50 ans, avec un âge moyen de 35 ans) et de personnes de nationalité française (74%).
"Une majorité de musulmans en France s’inscrit dans un système de valeurs et dans une pratique religieuse qui s’insèrent sans heurts dans le corpus républicain et national (46%)", écrit l'Institut Montaigne dans ce document.
Une seconde catégorie, "les conservateurs" (25%), sont "au cœur de la bataille politique et idéologique" qui, s'ils s'identifient à la première, permettra de bâtir un islam de France apaisé, ajoute le cercle de réflexion.
Les "autoritaires" forment le dernier groupe, soit 28 % de l’ensemble. "Ils sont majoritairement jeunes, peu qualifiés et peu insérés dans l’emploi, et vivent dans les quartiers populaires périphériques des grandes agglomérations. Ce groupe ne se définit plus par le conservatisme mais par l’usage qu’il fait de l’islam pour signifier sa révolte vis-à-vis du reste de la société française", dit l'Institut dans son analyse.
"De plus en plus de jeunes musulmans, même s’ils restent minoritaires, se définissent d’abord et avant tout par une identité religieuse de rupture (près de 50% des 15-25 ans)", ajoute ce document.
SOUTIEN AU VOILE À L'ÉCOLE
Le soutien au port du voile est majoritaire malgré d’importants clivages : environ 65 % des musulmans – de religion ou de culture – se déclarent favorables au port du hijab.
Les filles, estiment-ils à 60%, doivent pouvoir porter le voile au collège ou au lycée, ce qui est interdit en France.
Mais 20% des hommes et 28% des femmes se disent favorables au voile intégral (niqab ou burqa) et 29% des sondés jugent que la charia est plus importante que la loi de la République.
Pour modifier cette perception, l'Institut juge "essentiel de construire un islam français, porteur d’une représentation du monde compatible avec celle de la République".
"Cet islam français, financé par de l’argent français, doit produire et diffuser de la connaissance religieuse et s’appuyer, enfin, sur des femmes et des hommes nouveaux, issus de la majorité silencieuse des musulmans de France", écrit l'Institut.
Il faut selon lui mettre fin à la tutelle d’États étrangers sur l'enseignement de l'islam en France, faire émerger de nouveaux cadres, religieux et laïcs, nés en France et assurer à l’islam de France des ressources financières transparentes, ce qui permettra de salarier les imams.
Il s'agit en outre de lutter contre le discours fondamentaliste, notamment via le financement de la formation – culturelle – et du travail des aumôniers dans tous les lieux fermés (écoles, prisons, armées, établissements hospitaliers, etc.) et via l’enseignement de l’arabe à l’école publique.
L'enquête a été réalisée par téléphone entre le 13 avril et le 23 mai 2017. L'Ifop dit avoir a eu recours à un échantillon national représentatif de plus de 15.459 individus âgés de 15 ans et plus, dont a été extrait un sous-échantillon de 1.029 personnes de religion ou de culture musulmanes.
Pour un lien vers l'étude : http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/un-islam-francais-est-possible
(Yves Clarisse)