Donald Trump a suscité la colère des Mexicains pour ses propos anti-migrants et causé des maux de tête à leur président Enrique Peña Nieto. Maintenant, le candidat républicain à la Maison Blanche est accusé d'avoir entraîné la chute de la monnaie mexicaine.
Le peso mexicain a encore plongé lundi pour s'échanger au taux record de 20 pesos pour un dollar, une chute de 2,15% par rapport à la fin de semaine dernière, selon la banque privée Banamex.
La crainte d'une possible hausse des taux d'intérêt de la banque centrale américaine (Fed) est avancée pour expliquer cette chute, bien que les analystes pensent que la Réserve fédérale laissera son taux inchangé mercredi.
Mais les experts mettent aussi en avant les inquiétudes autour d'une possible élection de Trump face à la candidate démocrate Hillary Clinton après des récents sondages montrant une course plus serrée que prévu pour l'élection du 8 novembre.
"Cet effet Trump provoque des inquiétudes pour l'avenir du Mexique", indique à l'AFP Raul Feliz, analyste au Centre de recherche et d'enseignement économique à Mexico.
M. Feliz rappelle notamment les promesses du candidat républicain d'expulser des Etats-Unis des millions de migrants illégaux, de renégocier les accords de libre-échange avec le Mexique et le Canada et de faire payer le voisin du sud pour la construction d'un mur sur leur frontière commune s'il accède à la Maison Blanche.
"Cela aurait un effet très négatif et devant cette angoisse, les investisseurs s'abritent derrière le dollar", analyse l'expert.
- Tempête politique -
Le magnat new-yorkais a également menacé de bloquer les milliards de dollars envoyés par les migrants mexicains installés aux Etats-Unis à leur famille au Mexique afin de forcer ce pays à régler la facture du mur.
Les envois de fonds constituent pour le Mexique une des principales sources de devises avec le pétrole, le tourisme et les exportations.
"Il y a la peur que moins de devises n'entrent à cause de la menace de Trump", indique Raymundo Tenorio Aguilar, directeur des études économiques à l'Institut technologique de Monterrey.
Le nouveau ministre des Finances mexicain José Antonio Meade a reconnu la semaine dernière que les élections américaines pesaient sur le peso.
"Nous ne sommes pas sûrs que c'est un problème directement lié à Trump", a expliqué M. Meade, mais c'est peut-être dû "à l'incertitude habituelle générée par un possible résultat électoral dans un pays qui est notre principal partenaire économique".
Le président Enrique Peña Nieto a nommé Meade, un ancien ministre des Affaires étrangères, au poste de ministre de l'Economie après la démission le 7 septembre de Luis Videgaray.
Le départ de ce dernier a été largement interprété comme la conséquence de son rôle dans la visite à Mexico de Trump le 31 août, déclenchant de nombreuses critiques au Mexique.
- Débat crucial ? -
Lundi prochain, le premier débat présidentiel entre la candidate démocrate et le républicain pourrait avoir de nouveau des conséquences sur la monnaie mexicaine.
"Si la Fed n'élève pas son taux et que Clinton gagne le débat de façon probante, le marché des taux de change pourrait s'apaiser" pronostique M. Feliz.
"Mais si c'est l'inverse, le peso continuera de se déprécier et une nouvelle intervention de la banque (centrale) mexicaine sera nécessaire", ajoute-t-il, après une première décision en février dernier pour soutenir le cours du peso.
Les experts soulignent que le Mexique doit aussi faire face à des problèmes internes, dont la chute des cours du pétrole - un secteur qui génère un cinquième des revenus de l'Etat -, une dette élevée et des restrictions budgétaires.
"Nous avons des problèmes structurels et le tout provoque un grand désordre, et nous ne pensons pas que la banque (centrale) mexicaine va intervenir pour rétablir la situation", estime M. Tenorio Aguilar.
Le gouverneur de cette institution, Manuel Sanchez, a de son côté expliqué la semaine dernière, qu'en plus des inquiétudes sur la hausse des taux d'intérêts américains, le peso a été affecté par une croissance décevante, une dette élevée, et "une troisième cause qui pourrait provenir de l'incertitude autour de l'élection américaine et ses conséquences".