par Elizabeth Pineau et Udi Kivity
CONGRIER, Mayenne (Reuters) - Une église au milieu du bourg désert où le chant des oiseaux est couvert par le bruit d'un tracteur et d'une tondeuse à gazon: Congrier, village de 900 habitants aux confins de la Mayenne, attend la réouverture de son café pour reprendre vie.
Depuis la fermeture, fin 2018, du bar "Le Chêne vert", à la devanture abandonnée aujourd'hui tourmentée par le vent, le village est sans commerce, comme 60% des quelque 35.000 communes françaises. Une situation déplorée par les ruraux et dénoncée par les "oubliés de la République" autoproclamés de la crise des Gilets jaunes qui a secoué le pays l'an dernier.
"Notre village a absolument besoin d'un lieu convivial. Je voyais dans le bar qui a fermé des gens que je ne vois plus", a dit à Reuters le maire de Congrier, Hervé Tison.
Son voeu est exaucé avec l'installation d'un couple du coin, Thomas Sureau et Lisa Buisine, parents de deux jeunes enfants, qui profitent des vacances de février pour emménager dans le logement attenant à leur futur café.
Baptisé "O'bistroké", le commerce multiservices, actuellement en travaux, ouvrira ses portes au printemps.
"On ne fera pas que café", explique à Reuters Lisa Buisine au milieu des cartons. "Il y aura la poste, un coin épicerie, un espace de jeux avec un billard et des fléchettes ; on fera des soirées d'animation à thème, le dimanche midi on vendra du poulet rôti avec des pommes de terre pour les gens qui sortent de la messe : plein de petites choses à côté du café qui font que tout se passera ici".
VIVRE DIFFÉREMMENT
La résurrection du café de Congrier n'aurait pas été possible sans l'opération "1000 cafés" lancée par l'entreprise d'intérêt général SOS, avec le soutien des pouvoirs publics.
A Congrier, la mairie offre le site mis aux normes pour quelque 10.000 euros aux frais de la commune. La maison d’habitation est proposée pour un loyer modique aux cafetiers, salariés du groupe SOS qui se charge aussi de la partie administrative et de l'achat groupé de fournitures.
Si les villageois jouent le jeu, ce coup de pouce permettra à l'entreprise d'être viable, avec un chiffre d'affaires annuel compris entre 100.000 et 200.000 euros, et au village de revivre.
"Dans les petits bourgs comme ça, il nous faut des activités", se réjouissent deux retraités, Marie-Paule et Claude, heureux à l'idée de bientôt récupérer près de chez eux les objets achetés sur internet.
Lancée en septembre, l'opération "1000 cafés" est une idée du président du groupe SOS, Jean-Marc Borello.
"Alors que l'évolution démographique n'est plus de quitter les villages pour se ruer vers les grandes villes mais plutôt l'inverse, la question est de savoir comment faire en sorte que les villages puissent accueillir à nouveau celles et ceux qui ont envie de vivre différemment", a-t-il dit à Reuters dans le café situé au pied des locaux parisiens de sa société.
Déployée en partenariat avec Leboncoin, premier site internet de vente entre particuliers en France, l'opération a rencontré un large écho : plus de 550 communes se sont portées candidates et 1.500 personnes ont postulé pour être derrière le bar.
"Certains ont été gendarmes, d'autres managers dans des grandes chaînes ou étudiants en école d'ingénieur. Mais on tient à privilégier des candidatures qui émergent à l'échelle locale", explique Chloë Brillon, chargée du sujet au groupe SOS.
Son objectif : ouvrir ou rouvrir une centaine de cafés dans des villages de moins de 3.000 habitants dans la seule année 2020.
Et à Congrier, les futurs cafetiers n'ont qu'un souhait, exprimé par la future hôtesse des lieux : "Que le café soit plein tous les jours."
(Avec Stéphane Mahé, édité par Jean-Michel Bélot)