Le Venezuela a qualifié vendredi de "coup d'Etat" et d'"agression" sa mise à l'écart du Mercosur par les autres membres du principal bloc économique sud-américain, qui reprochent notamment au gouvernement socialiste vénézuélien de ne pas respecter les valeurs démocratiques.
Il s'agit de la sanction internationale la plus sévère prise jusqu'ici contre le régime de Nicolas Maduro, confronté à une grave crise.
"C'est un coup d'Etat à l'égard du Mercosur et une agression contre le Venezuela vraiment très grave", a déclaré la ministre vénézuélienne des Affaires étrangères Delcy Rodríguez au cours d'une conférence de presse à Caracas.
"Le Venezuela ne reconnaît pas cette décision" prise par des "fonctionnaires qui détruisent le Mercosur", avait auparavant écrit Mme Rodríguez sur son compte Twitter.
Les ministres des Affaires étrangères du Mercosur ont officiellement confirmé vendredi à la mi-journée la suspension du Venezuela.
La veille, les quatre pays fondateurs de ce bloc régional - Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay - avaient suspendu ce pays qui avait tardivement rejoint le Mercosur, sous la présidence d'Hugo Chavez en 2012, quand le Brésil, l'Argentine et l'Uruguay étaient gouvernés par des alliés.
- Membre sans droit de vote ? -
Le vice-ministre des Affaires étrangères de L'Uruguay, Jose Luis Cancela, a affirmé vendredi à des journalistes que son pays estimait que "le Venezuela pourrait rester membre du Mercosur, mais sans droit de vote". Il a ajouté cependant que cette position n'était pas partagée par les autres membres du marché commun sud-américain.
Cette brusque montée des tensions entre le gouvernement bolivarien de M. Maduro et ses partenaires est le reflet de l'évolution du panorama politique en Amérique du Sud, où des gouvernements libéraux et de centre droit sont entre-temps arrivés au pouvoir.
Le Venezuela a ainsi depuis perdu un à un ses alliés à l'intérieur du Mercosur au sein duquel il se trouve désormais isolé.
D'abord en Argentine, où Mauricio Macri a remporté la présidentielle fin 2015, puis au Brésil, le poids lourd diplomatique et économique de la région, où Michel Temer a remplacé fin août la présidente de gauche Dilma Rousseff, destituée par le sénat.
Le nouveau gouvernement brésilien a fortement durci le ton, dénonçant les "dérives autoritaires" du régime de Nicolas Maduro, ses "atteintes au droit de l'homme" et la persécution de ses opposants.
Mi-décembre, l'Argentin Mauricio Macri, un des plus vifs détracteurs du président vénézuélien, doit à cet égard prendre la présidence tournante du Mercosur.
Les quatre pays fondateurs ont adressé un "courrier" au Venezuela lui notifiant que ses droits au sein de ce marché commun fondé en 1991 étaient "suspendus", selon une source anonyme au sein du gouvernement brésilien.
Il y a trois mois, un ultimatum avait été adressé à ce pays, lui enjoignant d'adapter sa législation à toutes les règles d'adhésion au marché commun sud-américain. Ce délai expirait jeudi.
- 'Clause démocratique' -
Derrière les considérations commerciales, comme les reproches sur les entraves à la libre-circulation des marchandises, c'est la "clause démocratique", prévoyant l'exclusion provisoire d'un des membres de cette alliance en cas de non-respect des règles démocratiques, qui est au coeur de ce bras de fer diplomatique.
En arrivant au pouvoir fin 2015, Mauricio Macri avait immédiatement rompu avec la politique conciliante de Buenos Aires vis-à-vis du Venezuela, menaçant d'activer cette "clause démocratique", avant de revenir en arrière.
Les conséquences d'une sortie du Mercosur vont de la suspension d'accords commerciaux à des limitations imposées à l'activité d'entreprises vénézuéliennes ou des Vénézuéliens basés dans les autres pays du bloc (facilités d'installation et de circulation, reconnaissance des diplômes).
Le Venezuela traverse une profonde crise politique depuis la victoire de la coalition d'opposition de la Table pour l'unité démocratique (MUD, centre droit) fin 2015 aux législatives.
L'opposition veut tenter d'obtenir le départ du président Maduro avant la fin de son mandat en 2019, via des élections anticipées ou un référendum révocatoire.
Mais ces deux options sont rejetées par le chef de l'Etat qui, malgré son impopularité dans un contexte économique très délicat, reste soutenu par la quasi-totalité des institutions, dont la plus importante d'entre elles : l'armée.
Vendredi, l'opposition a réagi à l'exclusion du Venezuela : celle-ci a été décidée, selon elle, parce que le dirigeant vénézuélien "désavoue" le Parlement.
Après des mois d'escalade, marquée par des manifestations, des chocs entre les différents pouvoirs et les déclarations incendiaires des deux côtés, gouvernement et opposition se sont engagés à trouver une issue pacifique à la crise économique et politique, sous les auspices du Vatican et de l'Union des nations sud-américaines (Unasur).
Ils doivent se retrouver le 6 décembre pour une troisième séance de négociations.