La décision prise mercredi par la banque centrale des Etats-Unis (Fed) d'augmenter son soutien à la reprise révèle la faible marge de manoeuvre des autorités américaines pour relancer l'économie.
La Fed "a assoupli sa politique monétaire autant qu'il lui était possible de la faire" à ce stade, résument les analystes de la maison de courtage japonaise Nomura.
Cependant, "elle ne dispose pas des instruments permettant de raviver miraculeusement la croissance économique", relève Nigel Gault, du cabinet d'analystes IHS Global Insight.
Face à une reprise qu'elle juge "lente" et menacée par des "risques importants", notamment en provenance d'Europe, mais aussi à cause du blocage politique à Washington selon certains de ses responsables, la Fed a annoncé mercredi de nouvelles mesures exceptionnelles destinées à abaisser un peu plus les taux d'intérêt à long terme afin de stimuler l'investissement, mais sans injecter de nouvelles liquidités.
"Les taux d'intérêts sont déjà extrêmement bas", rappelle M. Gault, pour qui "quelques points [de taux d'intérêts] en moins ne changeront pas les perspectives" de l'économie américaine.
Quant aux risques en provenance d'Europe, note-t-il, ils "sont du ressort des seuls dirigeants européens".
Pour Joel Naroff, de Naroff Economics Advisors, "ce n'est pas le niveau des taux qui empêche les entreprises d'employer et d'investir davantage", mais "l'incertitude sur la trajectoire de l'économie et la trop faible progression de la demande".
Pour ce qui est des ménages, rappelle-t-il, "ils sont en train de se désendetter", "pas de s'endetter davantage".
La décision de la Fed a été l'objet de longues discussions (elles avaient commencé en août) et elle est loin de faire l'unanimité au sein même de la Réserve fédérale, puisque trois de ses dirigeants ont voté contre, ce qui est particulièrement rare et signe que la marge d'action était étroite.
D'une manière générale, les dissidents estiment que la politique monétaire a atteint ses limites après les milliers de milliards de dollars que la Fed a injectés dans l'économie. Ils pensent que s'il faut soutenir l'économie, c'est aux élus de le faire par des mesures de relance budgétaire.
Le président de la Fed lui-même, Ben Bernanke, avait appelé fin août les élus à agir pour compléter l'action de la Réserve fédérale, estimant que celle-ci ne pouvait plus faire grand chose.
Mais du côté politique aussi, la voie est étroite. Le plan de soutien à l'emploi et à l'activité annoncé le 8 septembre par le président Barack Obama a été fraîchement accueilli par les élus républicains avec lesquels il est obligé de composer.
M. Bernanke a néanmoins indiqué clairement que la Fed était prête à augmenter son concours financier à l'économie si les élus devaient s'avérer incapables de s'entendre sur des mesures de relance qui apparaîtraient néanmoins nécessaires.
Les effets de la politique monétaire sur l'économie réelle se font généralement sentir avec un délai de plusieurs trimestres. Pour M. Naroff, les nouvelles mesures de la Fed ont surtout pour but d'empêcher une éventuelle replongée de l'économie américaine dans la récession dans les deux ans à venir.
Une chose est certaine, estime Harm Bandholz, économiste de la banque italienne Unicredit, elles vont "compliquer la [future] stratégie de sortie crise" de la Fed en "retardant" le moment où le concours financier accordé à l'économie commencera à se dissiper de lui-même.