Souvent évoquée, chaque fois repoussée, la privatisation de la Française des jeux pourrait devenir une réalité à la faveur du plan de cession d'actifs annoncé début juillet par le gouvernement. Mais l'Etat a-t-il intérêt à vendre sa poule aux oeufs d'or?
Vingt-huit millions de joueurs, 14,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2016 et un bénéfice net en hausse de 10,7% sur un an... C'est une entreprise en pleine forme qui fait l'objet, depuis plusieurs semaines, de spéculations dans les milieux bancaires et financiers.
La Française des jeux "fait partie des pistes de cession intéressantes" au vu des "retombées financières" dont bénéficie ce secteur d'activité, explique à l'AFP Christopher Dembik, responsable de la recherche économique chez Saxo Banque.
"C'est un candidat, une société qui par sa taille a les attributs pour être cotée", abonde Igor Donnio, responsable de l'activité des marchés de capitaux pour BNP Paribas (PA:BNPP), qui évoque l'existence de fortes "attentes" chez les investisseurs.
Le premier opérateur français de jeux d'argent est aujourd'hui détenu à 72% par l'Etat et à 28% par des actionnaires minoritaires, dont les "anciens émetteurs de billets de la Loterie nationale", regroupant notamment des associations d'anciens combattants.
Mais Bercy, en quête d'argent frais pour boucler le sauvetage d' Areva (PA:AREVA), et de recettes pour alimenter un fonds de 10 milliards d'euros dédié à l'innovation, pourrait être tenté de revoir cet équilibre, en cédant sur le marché boursier une partie de son capital.
"Nous allons céder des participations dans un certain nombre d'entreprises publiques à partir du mois de septembre", a annoncé le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, sans préciser le nom des entreprises concernées. "Ces cessions concerneront des participations non stratégiques", a-t-il toutefois indiqué.
La "FDJ", qui détient le monopole en France sur le Loto et les jeux à gratter, entre-t-elle dans cette catégorie? La question fait débat, alors que l'Agence des participations de l'Etat (APE), chargée de gérer le portefeuille public, planche sur une liste de sociétés privatisables.
- troisième tentative -
"Le dossier est complexe", en raison du "caractère symbolique" de l'entreprise, qui a fêté en 2013 ses 80 ans, mais aussi des "avantages que retire l'Etat" de cette participation, souligne une source proche du dossier, qui rappelle que plusieurs tentatives de cession ont déjà échoué.
En 2008, le gouvernement de François Fillon avait envisagé une introduction en Bourse de l'opérateur de jeux d'argent. Mais le projet n'avait pas abouti, dans un contexte d'incertitude liée à l'ouverture du marché des jeux d'argent en ligne et de conditions de marché jugées défavorables.
L'hypothèse d'une cotation avait de nouveau été examinée en 2014, sous la houlette d'Emmanuel Macron, fraîchement nommé au ministère de l'Economie, mais là encore sans succès, le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, opposé à cette vente, ayant obtenu un statu quo de Matignon.
"Vendre la FDJ rapporterait une seule fois une recette exceptionnelle de quelques centaines de millions, mais priverait l'Etat de sa capacité à imposer toutes les règles de prévention à l'addiction", a justifié début juillet Christian Eckert en relatant l'épisode sur son blog.
Argument supplémentaire en défaveur d'une privatisation: la FDJ est très rentable pour son principal actionnaire, l'Etat.
L'entreprise dirigée par Stéphane Pallez a ainsi apporté 3,12 milliards d'euros aux finances publiques l'an dernier, via les "prélèvements sur les mises". En parallèle, 133 millions d'euros de dividendes ont été reversés à l'Etat, soit la totalité du bénéfice net qui revenait à l'entreprise.
De quoi dissuader Bercy de vendre sa "machine à cash"? Pas forcément, selon les partisans d'une cession, qui rappellent qu'une grande partie de l'argent apporté par la FDJ -- à savoir les prélèvements sur les mises -- continuera à être reversé en cas de privatisation.
"Ce qu'il faut, c'est faire en sorte de valoriser l'entreprise, pour que l'opération soit rentable, tout en trouvant des outils qui permettent à l'Etat de garder le contrôle du secteur, même comme actionnaire minoritaire", souligne la source proche du dossier.
En 2014, la valeur de l'entreprise avait été évaluée à 2 milliards d'euros par des banquiers d'affaires. Certaines sources, désormais, évoquent le chiffre de 3 milliards d'euros.