PARIS (Reuters) - Les avocats d'Abdelkader Merah, le frère du tueur de militaires et d'écoliers juifs de Toulouse et Montauban, ont demandé mardi l'acquittement de leur client, contre lequel le ministère public avait requis la veille la réclusion à perpétuité.
Mohamed Merah a été tué le 22 mars 2012 à Toulouse après avoir abattu trois militaires, trois écoliers juifs et le père de l'un d'eux, les 11, 15 et 19 mars.
"Si Abdelkader Merah est ici, c'est parce que son frère est mort", a déclaré le principal avocat du frère du tueur, Eric Dupond-Moretti. "Et j'affirme que si Mohamed Merah était dans le box, il y serait seul."
"Si vous condamnez Abdelkader Merah, vous aurez jugé sans doute mais vous n'aurez pas rendu justice", a-t-il ajouté.
Abdelkader Merah, ancien caïd de quartier converti à un islam radical depuis 2006, est accusé d'avoir été le mentor de son cadet. Il est jugé par une cour d'assises spéciale depuis le 2 octobre pour participation à une association de malfaiteurs terroriste et complicité d'assassinats.
Ses trois avocats ont tenté de démontrer lors de leurs longues plaidoiries que le dossier de l'accusation était vide.
Le premier à intervenir, Archibald Celeyron, a demandé à la cour de rendre sur des "éléments objectifs" son jugement attendu jeudi. "Parce que vous allez appliquer le droit, vous allez acquitter Abdelkader Merah", a-t-il dit.
"N'en faites pas un symbole du terrorisme, faites-en un symbole de la justice", a renchéri Antoine Vey, suscitant des réactions de réprobation sur les bancs des parties civiles et des familles des victimes.
Prenant ensuite la parole, Me Dupond-Moretti a admis que sa plaidoirie serait une "blessure supplémentaire" pour ces familles.
"Je sais que l'acquittement d'Abdelkader Merah, fût-il prononcé au bénéfice du doute, sera une injure pour certaines parties civiles", a-t-il déclaré.
Il a invité la cour à se tenir à "équidistance" entre les victimes et les accusés, tout en reconnaissant la difficulté de la tâche en raison de la pression de l'opinion.
"CONSTRUCTION INTELLECTUELLE"
"Ma crainte c'est que la haine qui vous est interdite lui interdise la justice", a ajouté Me Dupond-Moretti à l'adresse des magistrats professionnels qui constituent la cour.
Archibald Celeyron avait auparavant dénoncé le réquisitoire prononcé lundi par l'avocate générale, Naïma Rudloff (), comme une "construction intellectuelle".
Il a notamment soutenu qu'Abdelkader Merah, en détention provisoire depuis le 25 mars 2012, n'avait été que le spectateur involontaire du vol par son frère du scooter, que le tueur utilisera lors de son équipée meurtrière.
L'accusation n'a pas non plus démontré selon lui en quoi l'achat d'un blouson de moto par Abdelkader Merah pour son frère dans la foulée de ce vol prouvait sa complicité.
"Les autres éléments de la complicité ont été cherchés sans relâche et n'ont jamais été trouvés", a-t-il plaidé. "Et parce que ce n'est pas suffisant, l'accusation vous dit qu'Abdelkader Merah a provoqué Mohamed Merah à l'action."
Les avocats du deuxième prévenu, Fetha Malki, contre lequel le ministère public a requis 20 ans de prison pour avoir fourni un pistolet mitrailleur, des munitions et un gilet pare-balles, se sont bornés à demander à la cour d'être "juste".
Naïma Rudloff a reconnu mardi que ce délinquant multirécidiviste était avant tout un "opportuniste" et n'était pas religieux. Mais elle a estimé qu'il avait apporté de facto son soutien à une "entreprise potentiellement terroriste".
Un argument contesté par ses deux défenseurs, Christian Etelin et Edouard Martial : "Il faudrait que Fettah Malki soit celui qui a vu l'homme que personne n'avait vu", pas même les services secrets israéliens et la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) française, a dit Me Etelin.
"L'enjeu de ce procès dépasse largement Fettah Malki et Abdelkader Merah. Il s'agit aussi de nous interroger sur nous même", a-t-il ajouté. "Leur infliger la peine maximale ne résoudra pas le problème qui nous est posé, la production d'individus qui peuvent décider d'être des scélérats."
(Emmanuel Jarry, édité par Yann Le Guernigou)