Afin de relancer une économie en pleine récession, l'Etat italien va rembourser une partie de sa dette colossale à l'égard de ses fournisseurs, soit 40 milliards, une mesure très attendue par des entreprises privées aux abois.
"L'Italie a approuvé aujourd'hui un décret urgent pour payer les dettes du secteur public", a déclaré samedi à Rome le chef du gouvernement Mario Monti. Au total ce sont 40 milliards d'arriérés qui seront remboursés dans les douze prochains mois, selon un décret adopté samedi en conseil des ministres.
En terme de retards mis par l'Etat à payer ses fournisseurs, "l'Italie se trouve dans la même situation et même légèrement pire que le Portugal, l'Espagne ou la Grèce, et nettement pire que la Grande-Bretagne, l'Allemagne ou la Finlande", a reconnu M. Monti.
"Celà signifie un coût pour le monde des affaires et pour le pays tout entier. C'est vraiment une situation inacceptable", a-t-il ajouté.
Le montant des dettes accumulées par les administrations italiennes s'est élevé dans le passé à 61 milliards d'euros, pour grimper à 74 milliards fin 2010 et 80 milliards fin 2011, a précisé l'ex-commissaire européen lors d'une conférence de presse.
De l'avis général, le remboursement, ne serait-ce que partiel de ces arriérés peut apporter un ballon d'oxygène à une économie plongée dans une longue et profonde récession (-2,4% en 2012) et où le crédit s'est raréfié ces derniers mois.
Le nouveau Parlement avait donné son feu vert cette semaine à des mesures de déblocage des paiements.
Ce dossier est l'un des rares à faire consensus au sein d'une classe politique qui se déchire depuis les élections législatives de février, se montrant incapable de former un gouvernement pour succéder à M. Monti, à la tête de l'Italie depuis novembre 2011.
Le "Professore" a été salué par ses partenaires européens pour avoir rétabli la crédibilité de son pays et commencé à remettre en ordre les comptes publics, mais il est critiqué pour une politique d'austérité qui a plongé le pays dans la récession.
"Il ne s'agit pas d'un changement de politique", a toutefois souligné M. Monti précisant que ces remboursements n'auraient pas pu intervenir dès l'automne dernier, comme certains le prétendent. "Ce n'était pas possible à ce moment-là", a-t-il expliqué car l'assouplissement des critères européens en matière de décompte des déficits et de la dette n'était pas encore intervenu. "Nous aurions dépassé les 3% de déficit", a-t-il dit.
La barre des 3% reste "infranchissable", a répété le ministre de l'Economie Vittorio Grilli, alors que Rome table sur un déficit 2013 de 2,9% (remboursements compris).
Cette mesure était très attendue par les entreprises. Depuis début 2012, plus d'une vingtaine d'entrepreneurs se sont suicidés, victimes de la crise et étranglés par leurs dettes, notamment vis-à-vis du fisc.
"Il y a un sentiment de désespoir chez tant d'entrepreneurs. Il faut un signal fort pour envisager une relance de l'économie réelle", avait lancé mercredi le président de la principale organisation patronale Confindustria, Giorgio Squinzi. Selon Unimpresa, une autre fédération professionnelle, plus de 215.000 entreprises sont concernées et le montant moyen des arriérés s'élèverait à 422.000 euros.
L'annonce a été saluée par l'Association des banques italiennes, qui voit dans ces remboursements "un préalable nécessaire et urgent à la reprise de l'économie et de l'emploi".
Mais elle est encore insuffisante selon une autre confédération d'entrepreneurs, Rete Imprese Italia. "Le gouvernement n'a pas encore compris que les entreprises du secteur tertiaire, de l'artisanat sont au bord de la faillite", a déclaré son président Carlo Sangalli qui réclame le déblocage immédiat des fonds et un assouplissement des formalités pour obtenir les remboursements.
"C'est un dû", a commenté de son côté le président de l'Association des constructeurs, Paolo Buzzetti, qui a préconisé que Rome demande à Bruxelles de dépasser le seuil des 3% de déficit.
Mais la marge de manoeuvre est très étroite pour l'Italie contre laquelle une procédure pour déficit excessif a été ouverte par Bruxelles en 2009. M. Monti a déclaré miser sur une suspension de cette procédure "courant mai", mais pour être exaucé, le pays doit respecter tant les critères de déficit que de dette publique.