Nicolas Dufourcq, qui vient d'être reconduit à la tête de Bpifrance, a réussi à asseoir dans le paysage français la banque publique d'investissement voulue par François Hollande, devenue un acteur majeur du financement et de l'accompagnement des entreprises.
Ce grand brun au teint hâlé incarne l'institution depuis sa création fin 2012, une des premières concrétisations des engagements de campagne de l'ancien président.
Aujourd'hui, le groupe au logo jaune et gris s'est imposé comme un acteur quasi-incontournable dans la garantie de prêts, le financement ou l'investissement.
Et depuis la reprise en 2017 de services d'assurance export gérés jusqu'alors par Coface, il veut devenir "une grande banque française du commerce extérieur, des PME et des ETI".
Après quelques tensions à la création, le dirigeant a réussi à extraire l'institution de l'influence politique. En 2013, Segolène Royal, vice-présidente de la banque, avait qualifié de "grave dérapage" le refus de M. Dufourcq d'envisager un sauvetage de Petroplus par Bpifrance.
Les crispations s'achèveront avec le départ de Mme Royal en 2014 et on lui tiendra crédit en interne d'avoir refusé de faire de Bpifrance une "banque politique", aux dires d'un de ses anciens collaborateurs.
Désormais, au sein de la banque, "il est perçu comme un héros, d'autant plus qu'il a réussi à faire du récit de la création de Bpifrance une épopée", affirme cette source, qui décrit aussi une personne qui peut être souvent "cassante".
Il y a un peu plus de cinq ans, le choix ne s'est pas porté au hasard sur Nicolas Dufourcq pour prendre la tête de l'institution: ce fils d'une ancienne secrétaire d'Etat à la Recherche sous Juppé et d'un diplomate alliait une bonne connaissance du monde de l'administration à une longue expérience dans le privé.
Diplômé d'HEC et de l'ENA, dont il sort inspecteur des Finances, il commence au ministère de l'Economie et des Finances avant de rejoindre en 1992 le cabinet de René Teulade, ministre des Affaires sociales.
Deux ans plus tard, il entre à France Télécom, où il crée la division multimédia. Il préside ensuite Wanadoo, la filiale internet et pages jaunes du groupe, jusqu'en 2003 où il passe chez le groupe de services informatiques Cap Gemini (PA:CAPP), dont il est devenu le numéro deux.
- Pensée positive -
A Bpifrance, issue du regroupement de quatre entités publiques déjà existantes (Oséo, CDC Entreprises, FSI et FSI régions), les chances de réussir était loin d'être évidentes au départ, comme aime à le rappeler ce père de trois enfants aujourd'hui âgé de 54 ans.
"Il y a cinq ans, il s'agissait de fusionner des entités qui ne s'aimaient pas beaucoup", a-t-il raconté mercredi en audition au Sénat, se félicitant d'avoir réussi à faire "d'un râteau un oeuf".
Au-delà de son activité de financement, Bpifrance s'est aussi imposée dans l'accompagnement des entreprises. "Nous sommes des producteurs d'entrepreneurs", dit son directeur général, qui a lancé plusieurs "accélérateurs", des programmes de formation de deux ans pour chefs d'entreprises désireux de faire croître leurs affaires.
Chantre de la pensée positive et de la "niaque", cet amateur de musique électronique, qui encore étudiant avait créé plusieurs sociétés, n'hésite pas à se muer en gourou lors d'événements grandioses, à l'image de BIG (Bpifrance Inno Generation), un grand raout qui se tient désormais chaque année à l'AccorHotels (PA:ACCP) Arena à Bercy et rassemble plusieurs dizaines de milliers d'entrepreneurs.
Des manifestations qui ont un coût.
A Bercy, si on reconnaît que l'homme est "audacieux" et excelle dans le rôle de VRP de Bpifrance, on s'inquiète parfois de certaines dépenses. Un rapport de la Cour des comptes, publié en novembre 2016, avait d'ailleurs dénoncé la hausse des charges d'exploitation de l'établissement, des critiques balayées par Bpifrance.
Pour son deuxième mandat, Nicolas Dufourcq, qui entrevoit "24 mois d'âge d'or" avant un retournement du cycle, s'est fixé de nouvelles frontières, telles que le financement de la transition énergétique ou de l'intelligence artificielle.