Confrontée à la crise et à de nouveaux enjeux comme celui de l'internet, la profession des agences de voyage en France qui a perdu près de 5.000 emplois depuis 2008 va se soumettre à un vaste audit économique et social pour organiser sa mue.
"Nous traversons une période un peu chahutée. Après des années glorieuses où la profession était créatrice d'emplois, nous sommes entrés dans une période qui demande sagesse, réflexion et remise en cause", a déclaré le président du Syndicat national des agents de voyage (Snav), Georges Colson, devant la presse mardi.
La profession compte encore 33.500 salariés et est composée de 3.750 sociétés, dont 90% de moins de 10 salariés. Elle est jeune (un tiers de moins de 30 ans) et féminine aux trois quarts.
Mais "les disparitions d'entreprises s'accélèrent" cette année, note Valérie Boned, la secrétaire générale déléguée du Snav, en évoquant de plus en plus de demandes adressées par des liquidateurs pour replacer du personnel.
Le Snav tire la sonnette d'alarme: les petites entreprises du voyage doivent se former et se repositionner pour maintenir l'emploi. Impossible de chiffrer exactement combien sont en situation de fragilité ou en difficulté, dit M. Colson. Mais 2013 sera la pire année de l'histoire de l'association professionnelle de solidarité du tourisme (APST), la caisse de garantie des agences de voyages en France, a déjà prévenu son président Raoul Nabet.
Pôle clé du tourisme français, les agences ont réalisé l'an dernier plus de 26 milliards d'euros de volume d'affaires. Dont 55 à 60% grâce aux voyages d'affaires, a dit M. Colson à l'AFP. A elle seule, la billetterie aérienne représente près de 7 miliards d'euros pour les agences. La SNCF réalise environ 20% de ses ventes grâce à elles. En 2012 toutefois, la clientèle loisir des agences a fondu de plus de 5%.
"Autopackaging"
En cause, des bouleversements multiples, à commencer par le défi d'internet: évolution des systèmes de réservation, concurrence d'opérateurs "online" et de Google, importance des réseaux sociaux, des avis postés par des consommateurs...
Sans oublier l'avènement de "l'autopackaging", l'ère où l'on concocte seul son voyage: "La plus grande agence de voyage du monde aujourd'hui, c'est internet: partout, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Avec la particularité qu'elle est dans votre poche avec votre téléphone portable", selon le patron de la Fevad (Fédération de l'e-commerce et de la vente à distance), Marc Lolivier.
Du côté des professionnels, l'online oblige à s'adapter. Mais ce défi, que connaissent bien d'autres secteurs (distribution, librairie...), n'a pas forcément été intégré dans le modèle économique des PME.
Plus largement, la crise est aussi conjoncturelle. Les agences de voyage font face à une "grosse maladie", selon M. Colson: "l'asphyxie par manque de trésorerie", des garanties financières exigées par les fournisseurs, des délais de paiement qui s'allongent et un accès de plus en plus difficile aux prêts bancaires parce que "les banques sont de plus en plus timorées".
L'audit doit faire le point sur la compétitivité et "donner une vision économique" aux agences, a relevé Laurent Vilboeuf, directeur régional de la DIRECCTE Ile-de-France, qui assumera au nom de l'Etat près de la moitié des 760.000 euros de budget alloués sur 18 mois.
Quinze entreprises de moins de 250 salariés seront étudiées en Ile-de-France, où se concentrent près de 30% des emplois du secteur, avec à la clef un plan d'action qui servira de modèle pour la branche.
Chargé de cette mission, le cabinet Eurogroup Consulting rendra son rapport final d'ici septembre 2014.
Cet audit ne sera pas fait "pour sortir du gouffre des entreprises qui y allaient", mais pour aider celles qui le veulent à se repositionner, renchérit la vice-présidente du Snav, Michelle Laget-Herbaut: "Nous avons connu des crises mais à chaque fois nous relevons la tête. Aujourd'hui nous demandons de l'aide".