Le Conseil constitutionnel a censuré 24 articles sur les 236 que comptent le budget 2014 et la loi de finances rectificative pour 2013, mais le gouvernement a estimé qu'il s'agissait surtout de mesures techniques, sans impact financier, et que le coeur de sa politique économique restait intact.
Saisis par l'opposition juste après l'adoption des deux textes par le Parlement, le 19 décembre, les Sages du Palais Royal ont annoncé dimanche avoir annulé plus de 10% des articles des deux textes, dont certains de leur propre initiative.
Soulagement pour le gouvernement: la taxe à 75% a cette fois échappé à la censure. Dans sa nouvelle mouture, elle s'applique aux entreprises versant à des salariés une rémunération annuelle supérieure à un million d'euros.
Promesse phare de François Hollande, cette taxe avait été retoquée l'an dernier, mettant le président et son gouvernement dans une position particulièrement inconfortable.
De même, une des marques de fabrique du quinquennat Hollande, la refonte de la politique familiale, a été validée par le Conseil. Celui-ci a en effet jugé que l'abaissement du plafond du quotient familial à 1.500 euros par demi-part au lieu de 2.000, une des dispositions les plus contestées par l'opposition, n'était "pas contraire au principe d’égalité".
Se disant "satisfait que la quasi-totalité des articles" aient été validés, le ministre délégué au Budget Bernard Cazeneuve a en outre rappelé à l'AFP que "la trajectoire de finances publiques" du gouvernement, c'est-à-dire ses prévisions macro-économiques et l'effort budgétaire entrepris, n'avait pas été remise en cause.
Son entourage a rappelé que les mesures sanctionnées, si elles étaient quantitativement plus nombreuses que l'an dernier, avaient un impact financier nul ou insignifiant quand celles validées permettaient notamment de réaliser 15 milliards d'économies sur la dépense publique.
Cette source a également rappelé que la contribution énergie-climat, la fameuse "taxe carbone" si contestée, avait été entérinée.
"Les mesures annulées ne modifient qu’à la marge l’équilibre défini dans les lois de finances. L’objectif de réduction continue du déficit public engagé depuis 2012 est ainsi confirmé", ont réagi dans un communiqué le ministre de l'Economie Pierre Moscovici et M. Cazeneuve.
Le nombre de dispositions censurées peut se lire comme une critique par les Sages de la qualité du travail parlementaire: plus de la moitié ont en effet été retoquées pour des raisons de pure forme, notamment parce qu'elles ont été jugées "hors sujet" par le Conseil et n'ayant pas leur place dans un texte budgétaire.
Plus gênant pour le gouvernement, une nouvelle modalité de plafonnement de l'Impôt de solidarité sur la fortune, déjà retoquée l'année dernière sous une autre forme, a été annulée par le Conseil.
Les revenus "latents" émanant de contrats d'assurance-vie en euros ne pourront pas être pris en compte dans le calcul du plafonnement qui permet aux contribuables de ne pas payer plus de 75% de leurs revenus annuels au fisc.
Les Sages ont également annulé la réforme de l'imposition des plus-values enregistrées lors de la cession de terrains à bâtir car, selon le Conseil, "le contribuable pouvait être imposé dans des conditions qui méconnaissent l’exigence de prise en compte de ses capacités contributives".
Malgré cette décision, "une grande partie des dispositions (...) visant à la modernisation de l'économie par la relance de l'activité immobilière" a été validée, a observé M. Cazeneuve.
Concernant la série de dispositions censurées sur la lutte contre la fraude fiscale qui émanait d'amendements parlementaires, le ministre a rappelé qu'il avait lui-même "exprimé des réserves en séance" devant les parlementaires.
La saga des emprunts toxiques
De leur propre chef, les Sages ont de nouveau annulé la prolongation du régime fiscal dérogatoire dont bénéficie la Corse sur les droits de succession sur les biens immobiliers.
Ils ont par ailleurs empêché le gouvernement de mettre un terme à la saga des emprunts "toxiques" souscrits par nombre de municipalités, en rejetant la disposition qui permettait de valider les emprunts souscrits même en l'absence de la mention d'un taux effectif global.
Ce vice de forme avait été utilisé par les avocats de certaines municipalités pour obtenir une très forte réduction de leurs remboursements... au détriment des banques prêteuses, souvent soutenues à bout de bras par l'Etat.
En revanche, le conseil a validé la création d'un fonds de soutien de 100 millions d'euros par an pendant 15 ans pour aider les municipalités incapables de faire face à leurs engagements.
Dans la loi de finances rectificative pour 2013, le Conseil a validé la création d'un fichier national des contrats d’assurance-vie, au nom de la lutte contre la fraude fiscale.
En revanche, le Conseil constitutionnel a refusé que la "taxe Buffet" sur la cession des droits télévisés d’événements sportifs se déroulant en France soit appliquée aussi aux organisateurs basés à l'étranger, comme l'UEFA par exemple.