Transports, hôtellerie, culture, finance...plus aucun secteur n'est épargné. Les plateformes offrant en ligne des biens ou des services à la personne, se développent à une vitesse fulgurante bousculant les repères sociaux et ouvrant la voie à un nouveau modèle économique.
Uber et Blablacar dans le transport, AirBNB dans l’hôtellerie, Deezer, Spotify ou Dailymotion dans la musique ou la vidéo, Kisskissbankbank ou Lendingclub dans la finance...les "jeunes pousses" de l'internet (start up) montent en puissance grâce aux effets de réseaux prenant de court les acteurs traditionnels de l'économie par une concurrence féroce qui pourrait menacer leur survie.
"Ce qui était l'économie traditionnelle -- à savoir des chaînes de production assez stables, des canaux de distribution, des modèles de prix assez stables -- est remis en cause dans toutes ses dimensions", explique à l'AFP Pierre-Jean Benghozi, professeur à Polytechnique, spécialiste de l'économie de l'internet.
Ces plateformes qui servent d'intermédiaires entre une offre et une demande de biens ou de services se développent à grande vitesse contournant les règlementations fiscales et sociales et faisant trembler la vieille économie.
Pour qualifier ce phénomène, les médias ont adopté le terme d'"ubérisation" -- en référence à la société américaine Uber devenue le numéro un mondial de la mise en relation avec des voitures de transport avec chauffeur (VTC) -- mis en vogue fin 2014 par le patron du groupe publicitaire Publicis Maurice Levy.
"Le mouvement est irréversible. Demain une entreprise qui était leader sur son marché va se faire évincer par une autre entreprise qui n'emploiera personne et fera appel à des travailleurs indépendants", prévient Nicolas Colin, associé-fondateur de TheFamily, un site d'investissement dans les entreprises du numérique.
La plupart des experts s'accordent sur l'impératif d'une réglementation adaptée à ces nouveaux venus qui échappent souvent à tout impôt, taxe ou cotisation sociale, créant une inégalité de traitement et menaçant le budget de l'Etat.
- Faire évoluer les règlementations -
"Les nouveaux barbares attaquent les entreprises qui vivaient jusqu'ici d'une rente", commentait récemment Pierre Gattaz, président du Medef, au cours de "l'Université du numérique". "Il faut faire évoluer rapidement notre législation" et "la fiscalité doit être adaptée pour favoriser l'investissement", avait-il ajouté.
Le sentiment d'urgence est le même du côté de l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA), dont le président Alain Griset, par ailleurs chauffeur de taxi, appelle les responsables à "trouver un autre modèle de financement de nos sociétés".
"Plus ces économies collaboratives vont se développer, plus il va y avoir des milliards qui vont disparaître des radars de l'Etat", redoute-t-il mettant en garde, si rien n'était fait, contre un problème crucial d'équilibre budgétaire à brève échéance.
Et si Thomas Coutrot, économiste et porte-parole d'Attac, se félicite de l'émergence de l'économie collaborative qui "illustre le pouvoir de la coopération directe entre individus et réseaux, indépendamment des grandes structures capitalistiques" il n'en dénonce pas moins lui aussi le danger d'un manque à gagner fiscal à défaut de nouvelles règles.
Pour Nicolas Colin, l'Etat ne considère par cette nouvelle vague "comme un phénomène systémique mais comme une succession de petits problèmes qu'on règle au coup par coup".
La fusion est une des parades des entreprises traditionnelles pour résister à cet effet boule de neige qui créé des géants du net, selon M. Colin qui ne voit cependant dans cette stratégie qu'un effet "anesthésiant" alors que la valorisation des gros opérateurs du numérique atteint des sommets.
Uber est ainsi valorisé à 50 milliards de dollars selon la presse américaine et Spotify, numéro un du streaming musical avec 75 millions d'utilisateurs dans le monde, est valorisé à 8,2 milliards de dollards.
"La valeur boursière des 70 +locomotives+ franco-allemandes représentent un montant équivalent à celle des cinq géants du numérique américain", a souligné à l'Université du numérique Günther Oettinger, commissaire européen en charge du numérique.
"La révolution numérique est une révolution rapide. Si une entreprise veut continuer à produire de façon traditionnelle, elle va disparaître. Il y aura des gagnants et des perdants", a-t-il prévenu.