JACKSON HOLE, Wyoming (Reuters) - Les responsables de la Banque centrale européenne (BCE) sont de plus en plus inquiets de la détérioration des perspectives économiques et, si le débat reste ouvert, la possibilité d'opérer une pause dans le relèvement des taux se renforce, ont indiqué huit sources proches du dossier à Reuters.
La BCE a relevé ses taux à chacune de ses neuf réunions précédentes de politique monétaire. Lors de la dernière, qui a eu lieu le 27 juillet, elle a laissé ses options ouvertes pour la prochaine prévue en septembre, les responsables de la banque centrale étant partagés entre une pause et un nouveau resserrement.
Des discussions avec huit responsables en Europe et en marge du symposium organisé par la Réserve fédérale (Fed) à Jackson Hole, aux Etats-Unis, suggèrent que le camp de ceux favorables à une pause progresse alors que les indicateurs économiques des dernières semaines sont ressortis sous les attentes, suggérant la probabilité d'une récession économique.
"Le nombre de voix en faveur d'une pause se multiplie au fur et à mesure que les données arrivent", a déclaré l'une des sources, qui a demandé à ne pas être nommée.
Plusieurs sources ont dit considérer que les chances étaient partagées de façon égale entre une hausse des taux et une pause, tandis qu'un plus petit nombre d'entre elles estime qu'une pause est plus probable.
Mais aucune des sources n'a dit considérer un nouveau relèvement des taux d'intérêt comme l'issue la plus probable.
Un porte-parole de la BCE s'est refusé à tout commentaire.
TRAVAIL PAS ENCORE FINI
Toutes les sources s'accordent toutefois pour dire, que dans le scénario d'une pause, la BCE devra exprimer clairement que son travail n'est pas encore fini et qu'un nouveau tour de vis monétaire pourrait encore être nécessaire.
Elles estiment que cela pourrait prendre des mois, sûrement jusqu'au début 2024, pour être confiant sur le fait que l'inflation en zone euro se dirige bien vers l'objectif de 2% de la BCE.
Les sources s'accordent aussi sur le fait que le débat reste ouvert et qu'aucune décision ne sera arrêtée avant la publication des prochaines données sur l'inflation le 31 août.
La prochaine réunion de politique monétaire de la BCE se tiendra le 14 septembre.
Les marchés parient sur une probabilité égale d'une nouvelle hausse de taux ou d'une pause le mois prochain mais s'attendent à ce que la BCE procède encore à un relèvement de 25 points de base, pour porter le taux de dépôt à 4%, d'ici la fin de l'année.
Les arguments en faveur d'une pause s'appuient sur les craintes croissantes de récession, la détérioration rapide des perspectives économiques en Chine, une croissance des salaires timide et la perception que les précédentes hausses de taux sont en train de se matéraliser dans l'économie réelle.
Le secteur manufacturier est en récession depuis pratiquement le début de l'année et désormais les services, moteurs de la croissance en zone euro, commencent à ralentir, ont montré les derniers indices d'activité PMI.
Certains responsables de la BCE estiment toutefois qu'il ne faut pas surinterpréter les données PMI, soulignant l'écart grandissant entre les indicateurs et les indices de confiance.
"Les entreprises indiquent une récession, mais elles ne se comportent pas comme si c'était le cas ; elles continuent d'embaucher des travailleurs", a observé l'une des sources.
Ceux qui plaident pour une nouvelle hausse des taux d'intérêt soulignent que l'inflation sous-jacente a seulement atteint un plateau et qu'un recul plus prononcé est nécessaire pour envisager une pause.
(Reportage Balazs Koranyi, Blandine Hénault pour la version française, édité par Kate Entringer)