par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - Les organisations patronales et trois syndicats réformistes ont validé vendredi un accord sur les retraites complémentaires du secteur privé qui met en place un système de bonus-malus pour inciter les salariés à travailler plus longtemps.
La CGT et Force ouvrière ont pour leur part réaffirmé leur opposition à cet accord, lors d'une ultime réunion dont l'objet était de peaufiner la rédaction juridique du compromis conclu le 16 octobre par la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC avec le patronat.
Le clivage traditionnel entre syndicats réformistes et protestataires est ainsi confirmé au moment où le gouvernement mise sur le dialogue social pour débloquer l'économie française et avant une autre négociation délicate sur l'assurance chômage.
C'est la première fois depuis 2001 que FO ne signe pas un accord sur l'Agirc et l'Arrco, les deux caisses de retraites complémentaires du privé gérées par les partenaires sociaux.
Cet accord prévoit à la fois des mesures à court terme et des dispositions qui prendront effet à partir de 2019, pour redresser les comptes de ces deux régimes, menacés d'épuisement de leurs réserves.
Selon les calculs du Medef, ces mesures devraient leur rapporter au total environ 6,1 milliards d'euros à l'horizon 2020 et 8,6 milliards en 2030, pour un besoin de financement évalué respectivement à 8,4 et 12,7 milliards d'euros.
La plus symbolique n'est pas la plus rentable : selon le Medef, l'instauration d'un abattement de 10% sur les pensions Agirc-Arrco les trois premières années après le départ en retraite ne rapportera que 500 millions en 2020, 800 en 2030.
Mais le chef de file de la délégation patronale s'est félicité d'avoir fait sauter le "tabou" de l'âge légal, cette mesure revenant à allonger d'un an la durée de cotisation pour une pension à taux plein pour la grande majorité des salariés.
"A l'arrivée, cet objectif est atteint. C'est pour ça que je signe l'accord", a expliqué Claude Tendil à des journalistes.
Les négociateurs de la CFDT, de la CFTC et de la CFE-CGC, qui préfèrent parler de retraite "à la carte", admettent qu'ils ont un gros travail d'explication à faire à leur propre base.
"LE COMBAT CONTINUE"
"Ça ne va pas de soi", a reconnu celui de la CFDT, Jean-Louis Malys, qui estime cependant, comme ses homologues de la CFTC et de la CFE-CGC, qu'il n'y avait pas d'autre solution.
Les salariés remplissant les conditions du départ à la retraite à taux plein et refusant de travailler une année de plus subiront certes pendant trois ans un manque à gagner évalué 39 à 50 euros par mois pour une pension de 1.300 à 1.600 euros, a expliqué de son côté la négociatrice de la CFTC.
"Mais si on ne faisait rien, en 2019, les cadres avaient tous -11% à vie sur leur retraite et pour les non-cadres c'était -11% à vie à partir de 2023", a-t-elle fait valoir.
Ces trois organisations font valoir que le patronat a accepté une augmentation de cotisation des employeurs à hauteur d'environ 700 millions d'euros en année pleine à partir de 2019.
Le Medef laisse entendre qu'il pourrait récupérer tout ou partie de ce montant par le biais d'une baisse des cotisations à la branche accident du travail et maladies professionnelles (ATMP), aujourd'hui excédentaire, de la Sécurité sociale.
Une perspective contre laquelle s'élèvent les trois syndicats signataires, qui assurent qu'il n'en a jamais été question dans la négociation sur les retraites complémentaires.
"Il y aurait des manoeuvres avec le gouvernement pour que le patronat récupère cette somme", a ainsi dit Jean-Louis Malys. "Nous n'acceptons pas cette logique, on la condamnera et on s'y opposera très clairement. On l'a signifié au gouvernement."
Les négociateurs de la CGT et de FO ont pour leur part de nouveau condamné un accord selon eux "déséquilibré" au détriment des salariés et des retraités, notamment des femmes.
"C'est un marché de dupes", a dit le négociateur de FO, Philippe Pihet, qui dénonce un changement complet de régime.
"C'est un report de l'âge de départ en retraite et une baisse du niveau des pensions", a renchéri son homologue de la CGT, Eric Aubin, pour qui "le combat continue".
Première conséquence de cet accord et du refus de FO de le signer : le vice-président sortant de l'Arrco, Philippe Pihet (FO), qui aurait dû prendre sa présidence la semaine dernière, s'est retiré, laissant la place à Jean-Louis Malys (CFDT).
(Edité par Yves Clarisse) 2015-10-30T155140Z_1007180001_LYNXNPEB9T0W2_RTROPTP_1_OFRTP-FRANCE-RETRAITES-ACCORD.JPG