Fosun, l'un des plus gros groupes privés chinois, a annoncé le départ de son directeur général, alors que la frénésie d'investissements de l'entreprise à l'étranger a suscité des inquiétudes quant à son endettement et des questions sur sa stratégie.
Liang Xinjun, l'un des trois cofondateurs du conglomérat en 1992, a démissionné de ses fonctions de directeur général, a indiqué le groupe dans un communiqué adressé à la Bourse de Hong Kong. Le document précise que le départ de M. Liang est lié à "des raisons de santé".
Un autre dirigeant du groupe, Ding Guoqi, a lui aussi démissionné "pour pouvoir accorder davantage de temps à sa famille", selon le texte.
Fosun y précise que les deux hommes "ont confirmé n'avoir aucun différend avec le conseil d'administration" du groupe --dont les activités vont de l'immobilier et la pharmacie à la finance et aux loisirs.
M. Liang est remplacé par Wang Qunbin, autre cofondateur du groupe, qui était jusqu'à présent directeur financier.
Le troisième cofondateur de Fosun, Guo Guangchang, qui avait mystérieusement disparu fin 2015 pendant plusieurs jours afin de coopérer à une enquête des autorités chinoises, conserve son poste de président.
Fondé par des étudiants de la prestigieuse université shanghaïenne Fudan, Fosun a annoncé depuis 2010 plus de 15 milliards de dollars d'acquisitions à l'étranger. Parmi ses coups d'éclat, le conglomérat avait pris début 2015 le contrôle du Club Med, spécialiste français des clubs de vacances, après deux ans de bataille.
Il possède des participations dans le voyagiste britannique Thomas Cook, le "Cirque du Soleil" canadien, des assureurs américains et portugais...
Fosun est également en discussions en France depuis 2016 pour prendre une part du capital de la Compagnie des Alpes, qui gère bon nombre de grands domaines skiables.
"Une entreprise est comme une équipe de football (...) il y a toujours des joueurs qui doivent être mis au repos et remplacés sur le terrain par des équipiers plus frais", a commenté le président Guo Guangchang lors d'une conférence de presse à Hong Kong.
Il a regretté des départs "brutaux" et prévenu que ce remaniement n'aurait qu'un "impact de court terme" sur le conglomérat.
- Ombre de la dette -
"Le changement va provoquer un impact psychologique sur le marché et aura un effet sur le titre en Bourse", confirme à l'AFP Dickie Wong, analyste du courtier Kingston.
L'action de Fosun cotée à Hong Kong perdait près de 1,20% jeudi à la mi-journée.
Cependant, "sur le long terme, l'impact devrait rester limité, car les investisseurs se concentrent sur l'avenir de l'entreprise", tempère M. Wong. "Or, avec ses investissements à l'étranger et un portefeuille d'activités diversifiées, les perspectives sont bonnes".
Pour autant, ces départs précipités de deux responsables de premier plan sont de nature à aviver les spéculations sur la stratégie du conglomérat.
Sa frénésie d'acquisitions tous azimuts a rendu nerveuses les agences de notation, Fosun ayant accumulé des milliards de dollars de dette pour les financer.
Au point que M. Liang avait reconnu l'an dernier que le groupe pourrait vendre certains actifs pour se désendetter.
Dans son rapport annuel publié mardi, le groupe a fait état d'une hausse de 28% de son bénéfice net en 2016 à 10,2 milliards de yuans (1,38 milliard d'euros). Sa dette atteignait au 31 décembre 126 milliards de yuans, en hausse de près de 10% par rapport à fin 2015.
Par ailleurs, Pékin a annoncé fin 2016 son intention de mettre un terme aux "méga-acquisitions" de ses entreprises à l'étranger, en bannissant la plupart des investissements de plus de 10 milliards de dollars ainsi que les rachats "irrationnels" dans le sport et le divertissement: deux secteurs où Fosun s'est justement distingué.