Près de cinq ans après la loi sur le handicap, les entreprises sont toujours loin d'atteindre le quota de 6% de travailleurs handicapés et un certain nombre d'entre elles, surtout les plus petites, risquent de se voir lourdement sanctionnées à partir de 2010.
"Une très grande partie des entreprises ne sont pas du tout à jour" sur ce quota légal, qui existe depuis 1987, explique Sylvain Niel, avocat spécialisé en droit social et président du Cercle des directeurs de ressources humaines, alors que démarre ce lundi la 13ème semaine pour l'emploi des handicapés.
Depuis la loi handicap de 2005, les sanctions contre les entreprises --soumises au quota à partir de 20 salariés-- sont lourdes, entre 400 et 600 fois le smic horaire par salarié manquant. Pour y échapper, les entreprises peuvent signer des accords spécifiques avec les syndicats illustrant leur bonne volonté en matière de recrutements, de formation, d'accessibilité.
Mais, à partir de début 2010, les entreprises qui n'auront engagé aucune action, même minime, en faveur des personnes handicapées verront leurs sanctions multipliées par trois.
Selon Pierre Blanc, directeur général de l'Agefiph, le fonds qui gère les sommes provenant des pénalités, environ 6.000 entreprises, sur les 126.000 concernées par "l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés", devraient tomber sous le coup des sanctions.
Les plus grandes entreprises devraient les éviter, car elles "ont aujourd'hui pour la plupart négocié un accord", juge Me Niel, un constat partagé par le secrétaire général de Force ouvrière Jean-Claude Mailly, qui estime que dans les grands groupes, "la mécaniques est partie".
Le géant du nucléaire Areva a ainsi signé en 2007 un accord sur l'emploi des personnes handicapées et s'apprête à en signer un deuxième, explique Laurence Mialaret-Tabaries, responsable de la mission handicap.
Pour autant, en termes de taux d'emploi, les progrès sont lents: Areva employait 3,3% de travailleurs handicapés fin 2008 contre 2,79% avant l'accord. Chez ETDE, filiale de Bouygues Construction, deux accords ont été signés, en 2006 et début 2009. Le taux d'emploi y est passé de 3 à 4% et le groupe espère atteindre 5% en 2011.
Mais les petites entreprises sont en mauvaise posture à l'approche de la hausse des sanctions début 2010, affirme Jean-Eudes du Mesnil, secrétaire général de la Confédération générale des PME (CGPME). Elles "vont être très lourdement pénalisées" et "certaines vont mettre la clé sous la porte", s'inquiète-t-il. "1.500 fois le smic, ce n'est pas tenable", confirme Pierre Blanc (Agefiph), espérant que l'effet dissuasif poussera les entreprises à agir.
L'emploi des personnes handicapées est, de plus, passé au second plan, en raison des urgences nées de la crise et des obligations liées à l'emploi des seniors, qui entrent aussi en vigueur début 2010.
Au ministère du Travail, on reconnaît qu'il serait bon d'améliorer "l'accompagnement des PME" sur le sujet.
Grandes ou petites, les entreprises expriment leurs difficultés à recruter des personnes porteuses d'un handicap et dotées de la qualification dont elles ont besoin. Elles "avaient un délai de cinq ans" après 2005 pour se mettre en conformité et "beaucoup n'ont rien fait", rétorque Jean-Marie Barbier, président de l'Association des paralysés de France (APF).
En 2007, selon le ministère du Travail (Dares), les entreprises privées employaient directement moins de 2,5% de personnes handicapées tandis que le taux s'élevait à près de 4,4% dans la fonction publique au 1er janvier 2008.