par Darya Korsunskaya
MOSCOU (Reuters) - L'économie russe devrait se contracter de 0,8% l'année prochaine, a déclaré mardi le vice-ministre de l'Economie Alexeï Vedev, prenant officiellement acte d'une nette dégradation de la conjoncture due à l'effondrement des cours du pétrole et aux sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne.
Le gouvernement prévoyait jusqu'à présent une croissance de 1,2% pour 2015.
Le ministère de l'Economie a en outre annoncé que la croissance du produit intérieur brut (PIB) de la Russie avait été nulle en octobre en rythme annuel, après une hausse de 1,1% en septembre. L'activité s'est même contractée de 0,1% en rythme mensuel en octobre.
Le ministère de l'Economie a également abaissé sa prévision du cours moyen du pétrole l'année prochaine, à 80 dollars le baril contre 100 dollars jusqu'à présent, a précisé Alexeï Vedev à des journalistes.
Le pétrole et le gaz naturel sont les deux principales sources d'exportations de la Russie et représentent une part primordiale des recettes de l'Etat.
La Russie connaîtrait ainsi sa première récession depuis 2009, lorsque la plupart des grandes économies avaient subi de plein fouet les conséquences de la crise financière de 2008. Le produit intérieur brut (PIB) russe s'était alors contracté de 7,9%.
"Nous supposons désormais que les sanctions resteront en vigueur sur l'ensemble de l'année 2015", a dit Alexeï Vedev à la presse. Le gouvernement s'attendait jusqu'à présent à une levée de ces sanctions vers le milieu de l'année prochaine.
"Cela signifie pour nous des marchés de capitaux fermés à la majorité des entreprises et des banques russes, ainsi que des conditions défavorables pour l'investissement avec des incertitudes et un manque de sécurité", a ajouté le vice-ministre de l'Economie.
Responsable de la planification stratégique au ministère des Finances, Maxime Orechkine a pour sa part déclaré que les prévisions du ministère des Finances pour le PIB russe en 2015 étaient identiques à celles du ministère de l'Economie.
"Nous pensons que même dans le cas où certaines sanctions étaient levées, cela n'entraînerait pas un changement spectaculaire du jour au lendemain", a-t-il dit à des journalistes. "Dans tous les cas, il faudrait un an ou deux pour un retour progressif à une situation normale."
PRESSION INFLATIONNISTE
A ses yeux, un scénario avec un baril à 60 dollars en 2015 est "pessimiste" et, s'il se réalisait, il placerait l'économie russe dans le "cas limite" étudié par la Banque centrale de Russie, avec une contraction de l'activité de 3,5 à 4%.
Le ministère de l'Economie s'attend en outre à une faiblesse persistante du rouble, avec un cours moyen attendu de 49 pour un dollar en 2015. Le ministère des Finances prédit en revanche un rouble sous les 45 pour un dollar.
La monnaie russe a accentué ses pertes mardi après l'annonce des prévisions du gouvernement.
Elle se traitait mardi en milieu d'après-midi autour de 53,50 roubles pour un dollar, en repli de 4,6%, contre moins de 33 au début de l'année.
"Le principal facteur de l'ajustement de nos prévisions réside dans la perspective de cours du pétrole plus faibles que prévu (initialement)", a souligné Alexeï Vedev.
"La chute des cours du pétrole a entraîné un affaiblissement important du taux de change du rouble, ce qui a un effet inflationniste assez fort", a-t-il poursuivi. "Et une pression inflationniste accrue réduit le pouvoir d'achat de la population, ce qui pèse sur la consommation."
Le ministère de l'Economie prévoit désormais une inflation à 7,5% fin 2015, alors que sa fourchette était jusqu'à présent de 5% à 6%. Le ministère des Finances juge pour sa part que la hausse des prix pourrait être "légèrement" inférieure à 7%.
Le ministère de l'Economie a par ailleurs revu à la hausse ses prévisions de sorties nettes de capitaux, à 125 milliards de dollars cette année contre 100 milliards précédemment et à 90 milliards l'an prochain au lieu de 50 milliards.
Maxime Orechkine a pour sa part annoncé que, si les circonstances l'exigeaient, le gouvernement pourrait puiser dans le Fonds de réserve budgétaire au-delà du plafond autorisé. Pour 2015, ce plafond est pour l'instant fixé à 500 milliards de roubles dans le cadre du programme budgétaire pluriannuel 2015-2017.
(Marc Angrand, Patrick Vignal et Bertrand Boucey pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten et Véronique Tison)