PARIS (Reuters) - Le Sénat a adopté samedi tard dans la soirée le projet de réforme des retraites reculant l'âge légal de départ de 62 ans à 64 ans, au terme d'une nouvelle journée de mobilisation nationale, marquée par une participation en baisse.
Le projet a été voté par 195 voix pour et 112 contre, soit un total de 307 suffrages exprimés.
Il s'agit d'"une étape décisive pour faire aboutir une réforme qui assurera l'avenir de nos retraites", a déclaré sur Twitter (NYSE:TWTR) la Première ministre, Elisabeth Borne.
Le texte a fait l'objet d'un examen plus rapide qu'attendu après l'utilisation par le gouvernement de l'article 44 alinéa 3 de la Constitution.
Ce recours permet d'accélérer la procédure parlementaire et de faire voter les élus de la Chambre haute sur la totalité du texte, avec uniquement les amendements retenus par l'exécutif.
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, avait justifié cette initiative par ce qu'il qualifie d'"obstruction systématique" de la gauche alors que le Sénat, où le groupe Les Républicains (LR, droite) est majoritaire, avait jusqu'à dimanche minuit pour examiner le texte.
Bruno Retailleau, le chef des sénateurs LR, a renoncé samedi à présenter son amendement controversé - auquel le gouvernement était opposé - prévoyant la suppression des régimes spéciaux de retraite pour tous les salariés, et pas seulement les futurs embauchés dans les secteurs concernés.
Cette décision a eu pour effet d'accélérer l'examen du texte, en faisant tomber plus de 300 amendements déposés par la gauche.
Il incombe désormais à une commission mixte paritaire réunissant sept députés et sept sénateurs de se réunir mercredi pour essayer de s'entendre sur une version commune du projet de loi et, si tel est le cas, celui-ci pourrait être soumis au vote définitif de l'Assemblée nationale et du Sénat jeudi prochain.
MOBILISATION EN BAISSE
Les opposants à la réforme des retraites ont défilé samedi pour une septième journée, qui a enregistré la plus faible participation depuis le début du mouvement de contestation.
Selon la CGT, les quelque 250 rassemblements et défilés ont réuni plus d'un million de personnes en France, dont 300.000 à Paris.
Le ministère de l'Intérieur a pour sa part comptabilisé 368.000 manifestants, dont 48.000 dans la capitale.
Le précédent plus bas datait du 16 février avec, selon la CGT, 1,3 million de personnes rassemblées dans la rue à travers le pays et 440.000 selon la police.
La mobilisation du 7 mars avait été à l'inverse particulièrement suivie en France avec quelque 1,28 million de manifestants d'après les données du ministère et 3,5 millions pour l'intersyndicale.
Cette dernière, qui appelle à une nouvelle journée de grève et de manifestations le 15 mars, demande au gouvernement d'organiser une consultation citoyenne "dans les plus brefs délais" sur cette réforme.
La CGT a denoncé le "mépris d'Emmanuel Macron" qui a refusé vendredi de recevoir l'intersyndicale pour "préserver" le temps parlementaire".
Le secrétaire général de la CGT a qualifié cette fin de non recevoir du chef de l'Etat de "bras d'honneur aux syndicats et au mouvement social".
"S'il est si sûr de lui, le président n'a qu'à consulter le peuple (par référendum). On verra la réponse du peuple", a lancé Philippe Martinez samedi dans la manifestation parisienne.
Son homologue de la CFDT, lui aussi présent dans le cortège, a jugé la décision présidentielle méprisante pour les travailleurs qui exercent des métiers difficiles ou qui s'étaient sacrifiés pendant le confinement lié à la pandémie de COVID-19 pour assurer les tâches essentielles.
"Il y a une democratie parlementaire légitime mais il y a aussi une démocratie sociale dont il faut tenir compte. On manifestera mercredi, puis on décidera de la suite", a déclaré Laurent Berger. "J'implore, je demande à ceux qui dirigent ce pays de sortir de cette forme de déni du mouvement social."
Face à cette colère qu'Emmanuel Macron a dit vendredi dans sa lettre aux syndicats ne pas "sous-estimer", l'exécutif a choisi pour le moment de camper sur sa position, celle d'une réforme qu'il juge "indispensable" pour assurer l'équilibre financier du régime de retraites et, par conséquent, l'avenir du système par répartition.
"SI C'EST ÇA QU'ILS VEULENT..."
Le député Sylvain Maillard, qui participera à la commission mixte paritaire en tant que vice-président du groupe Renaissance d'Emmanuel Macron, s'est dit samedi sur franceinfo convaincu que le gouvernement disposerait d'une majorité pour faire adopter son texte aussi bien à l'Assemblée qu'au Sénat.
Les syndicats n'entendent pas désarmer pour autant et mettent en garde contre une radicalisation du mouvement de contestation face à un gouvernement "aveugle" face à la plus forte mobilisation sociale depuis des décennies.
"L'exécutif fait comme si les manifestations n'existaient pas... La violence on la cautionne pas, jamais. Maintenant, bien évidemment, sur le terrain, la base dit : "Si c'est ça qu'ils veulent, on va leur montrer qu'on peut être plus déterminé que ça", a déclaré Frédéric Souillot, le secrétaire général de Force Ouvrière, sur RMC.
Les syndicats sont confortés par le soutien d'une nette majorité de Français à leur mobilisation, approuvée à 63% (-1 point en une semaine), selon un sondage Elabe pour BFMTV publié samedi. Ils sont moins nombreux (54%) à approuver le blocage de secteurs comme les raffineries, les transports ou la collecte de déchets.
Face au risque de durcissement et alors que la grève semble marquer le pas dans certains secteurs, dans un contexte de forte inflation, la secrétaire générale adjointe de la CFDT, Marylise Léon, a une nouvelle fois exprimé les doutes de son syndicat sur l'opportunité de décréter une grève reconductible.
"Il y a un principe de réalité. Dire grève reconductible durant dix jours, c'est demander l'impossible à certains travailleurs", a-t-elle souligné, tout en refusant de dire si la CFDT continuera d'appeler à la mobilisation si la réforme des retraites est votée au Parlement.
(Rédigé par Tangi Salaün et Laetitia Volga)