par Blandine Henault
PARIS (Reuters) - Les transports, les expéditions des raffineries et la production d'électricité étaient encore perturbés mercredi en France alors que la contestation contre le projet gouvernemental de réforme des retraites est montée d'un cran avec des grèves reconductibles et une forte mobilisation dans la rue.
Mardi, la sixième journée de mobilisation à l'appel de l'intersyndicale a réuni quelque 1,28 million de personnes à travers le pays selon le ministère de l'Intérieur, la CGT évoquant pour sa part une "mobilisation historique" avec 3,5 millions de manifestants.
Il s'agit d'un pic dans le mouvement de contestation entamé en début d'année contre le projet de réforme des retraites prévoyant le report de l'âge légal du départ à la retraite de 62 ans actuellement à 64 ans, une mesure phare rejetée par une large majorité de Français selon tous les sondages d'opinion.
Forte de ce succès, l'intersyndicale a appelé à une nouvelle journée de mobilisation - la septième depuis janvier - samedi 11 mars.
La contestation contre le projet de réforme des retraites devait aussi se greffer aux manifestations prévues ce mercredi à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, ces dernières étant considérées comme les plus affectées par la réforme, selon les détracteurs du texte.
Après une journée "noire" dans les transports mardi, les usagers affrontaient encore de fortes perturbations mercredi alors qu'une grève reconductible a été lancée à la SNCF et à la RATP.
Seul un TGV sur trois circulait en moyenne et un train Intercités sur cinq tandis qu'à Paris, le trafic était très perturbé pour les métros et les RER avec une circulation quasi normale pour les bus.
Le trafic aérien était aussi à nouveau perturbé mercredi et la DGAC a indiqué avoir demandé aux compagnies aériennes de réduire leur programme de vols également pour les journées de jeudi et vendredi.
La baisse sera de l'ordre de 20% sur l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et de 30% sur les aéroports de Paris-Orly, Beauvais, Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes, Marseille, Montpellier, Nice et Toulouse.
BLOCAGES DANS LES RAFFINERIES
Le ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, a estimé mercredi sur LCI que la situation allait s'améliorer "beaucoup plus nettement" jeudi et vendredi.
"Il y aura des perturbations importantes dans les grands transports publics, SNCF notamment, RATP en Ile-de-France, jusqu’à la fin de semaine, jusqu’à vendredi au moins (...) Il y aura néanmoins des améliorations réelles, perceptibles par les usagers, par les Français, dès demain (jeudi) sur le réseau SNCF et plus sur le réseau RATP", a-t-il déclaré.
La grève se poursuit également dans les raffineries, notamment chez TotalEnergies avec des expéditions à nouveau interrompues et certains dépôts bloqués.
L'accès à la raffinerie de TotalEnergies à Gonfreville l'Orcher et au port du Havre (Seine-Maritime) étaient bloqués par des syndicalistes avec des feux de pneus et des objets déposés sur la chaussée, a constaté sur place un photographe de Reuters.
D'après l'Union française des industries pétrolières énergies et mobilités (Ufip EM), environ 7% des stations-service au niveau national sont en rupture d’au moins un produit.
"Ce qui est très peu", a indiqué à Reuters son président Olivier Gantois, évoquant une situation "vraiment saine" avec des stocks "relativement élevés".
Toujours dans l'énergie, les quatre terminaux méthaniers français ainsi que tous les sites de stockage de gaz restaient bloqués mercredi, d'après la FNME-CGT.
La navigation sur le Rhin sur toute la partie française était par ailleurs à l'arrêt en raison de piquets de grève sur les écluses de Marckolsheim et de Strasbourg (Bas-Rhin) qui étaient toutefois en voie d'évacuation selon la CGT.
L'administration allemande des voies navigables et de la navigation a indiqué que le mouvement avait aussi des répercussions sur le trafic vers les ports allemands de Breisach et de Weil am Rhein, ainsi que vers Bâle, en Suisse.
Dans le même temps, la production d'électricité était à nouveau réduite mercredi en raison d'un mouvement de grève des agents d'EDF (EPA:EDF). La baisse de production atteignait mercredi en fin de matinée 10,6 gigawatts (GW) selon des données de l'électricien, soit l'équivalent d'environ 17,5% de la production totale.
TENSIONS AU SÉNAT
L'intersyndicale a rejeté la responsabilité du durcissement du mouvement au gouvernement et à son absence de réaction à la contestation et appelé mardi soir "à être reçue en urgence" par le président Emmanuel Macron, une demande qui semble avoir peu de chances d'aboutir alors que le texte est en cours d'examen au Sénat.
"Le président n'a pas à entrer dans cette mêlée, c'est ce qu'il ne faut surtout pas faire, ce serait repersonnaliser le débat autour du président", a confié une source gouvernementale.
Le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a assuré sur RTL (ETR:RRTL) que la porte du gouvernement était "plus qu'ouverte". "Le Président respecte les institutions, le texte est au Sénat", a-t-il ajouté.
Les sénateurs, qui débattent de la réforme jusqu'à dimanche, reprendront à 16h30 l'examen de l'article 7 relatif au report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite, après de vives tensions lors de la séance de mardi qui n'ont pas permis d'aboutir à un vote.
Les débats déjà extrêmement tendus à l'Assemblée nationale avaient empêché l'examen de l'article 7 avant la fin des discussions sur le texte, qui compte 20 articles.
Après l'examen au Sénat, le texte de la réforme des retraites passera en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs le 15 mars. L'intersyndicale a déjà appelé à une nouvelle journée de mobilisation ce même jour.
(Rédigé par Blandine Hénault, avec la contribution d'Elizabeth Pineau, Matthieu Protard, Pascal Rossignol, Benjamin Mallet et Forrest Crellin, édité par Matthieu Protard)