Les colonies de vacances ne sont plus jolies pour tous. Les séjours, souvent plus courts et plus chers, attirent et mélangent aujourd'hui moins les enfants dont les parents ont aussi plus de mal à se séparer.
"Croire qu'on va régler le problème de la fréquentation des colos en réduisant la durée des séjours pour permettre de rester dans des fourchettes de prix qui soient acceptables est une erreur et même une hérésie éducative", insiste Jean-Karl Deschamps, secrétaire général adjoint de la Ligue de l'enseignement, organisatrice historique de colonies.
Pour lui, "le travail d'éducation, ça demande du temps". Un temps dont ne disposent plus les enfants qui participent aujourd'hui à des séjours de rarement plus d'une semaine.
Si la Ligue de l'enseignement développe elle aussi des séjours plus courts, elle a donc malgré tout gardé ceux d'une quinzaine de jours, même si ce sont ceux qui "dérouillent le plus en termes de fréquentation".
"Depuis 10 ans, la baisse s'est accentuée. Entre 2007 et 2017, sur les séjours de plus de cinq jours, on est passé de 1.2 million à 900.000 enfants" par an, confirme Jean-Benoît Dujol, directeur de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative au ministère de l'Éducation.
- "Dépoussiérer l'image des colonies" -
Au début des années 90, "il fallait dépoussiérer l'image vieillotte des colonies, les sociétés privées se sont dit qu'il y avait un marché à conquérir en proposant quelque chose de nouveau avec des séjours plus sportifs et plus thématiques, ça a rencontré du succès auprès d'une certaine catégorie plus aisée", explique Quentin Joste, animateur de colonies dans les années 2000.
"L'offre des associations a été bouleversée en suivant les offres commerciales", les colonies se sont même "coupées de leur public historique, à savoir les familles plutôt modestes ou de classe moyenne", poursuit-il.
Les séjours thématiques (sport, passion...) "avaient un coût plus important que les précédents pour les familles et, au niveau de la mixité sociale, c'était pas vraiment ça", se souvient M. Joste.
Les aides aux familles, de la Caisse des allocations familiales (Caf) et des collectivités locales notamment, n'ont pourtant pas disparu, selon Jean-Benoît Dujol: ce sont "les prix (qui) ont augmenté et les aides (qui) ont été reciblées sur les populations les plus défavorisées (...)". Les aides, elles, "n'ont pas baissé", précise-t-il.
Quentin Joste, désormais secrétaire général de Wakanga, une association organisant des colonies, constate ainsi "une certaine mixité sociale" dans leurs séjours, volontairement peu thématiques, avec "25% de (leur) public qui bénéficie d'aides de la Caf".
- Loisirs de "proximité" -
Mais certaines familles qui envoyaient leurs enfants en colonie de vacances gagnent aujourd'hui "trop pour pouvoir être accompagnées financièrement" mais "pas assez pour pouvoir ne plus être accompagnées du tout", pointe M. Deschamps de la Ligue de l'enseignement.
Et quand elles ont droit à des aides, elles choisissent d'autres options, comme des "loisirs tout au long de l'année et moins les vacances collectives", complète M. Dujol.
Si les colonies sont moins fréquentées, c'est aussi parce que "l'éloignement des enfants est devenu de plus en plus difficile et souvent inconcevable" pour les parents, souligne Jean Houssaye, professeur émérite des sciences de l'éducation à l'université de Rouen.
Les municipalités privilégient aujourd'hui davantage la "proximité" et les "centres de loisirs" tandis que les comités d'entreprises, qui autrefois offraient beaucoup de départs en colonies à leurs employés, ont "privilégié les vacances familiales".
En découle la fermeture de centres qui accueillaient des colonies, trop onéreux à cause des coûts d'entretien et de mise aux normes. Leur diminution participe à la baisse de fréquentation.
Ces centres ne bénéficient aujourd'hui plus d'aides de l'État, dont M. Deschamps critique le "désintéressement" et le réel manque de "valorisation des colonies".