Le géant américain de la pharmacie Pfizer, qui veut alléger sa facture fiscale, est déterminé à se marier coûte que coûte avec Allergan en dépit de l'offensive du Trésor pour faire barrage aux rapprochements anti-impôts.
Le montant de cette fusion entre le fabricant du Viagra et celui du traitement anti-rides Botox pourrait s'élever jusqu'à 150 milliards de dollars, ont indiqué à l'AFP des sources proches du dossier, ce qui en ferait la plus grosse opération d'évitement fiscal jamais réalisée par une entreprise américaine.
Disposant d'un gros trésor de guerre logé à l'étranger et qu'il ne souhaite pas rapatrier aux Etats-Unis par peur de payer trop d'impôts, Pfizer veut aller vite.
D'après le Wall Street Journal, les conseils d'administration des deux groupes auraient validé les fiançailles dimanche, et une annonce pourrait intervenir dès lundi. Contactés par l'AFP, Pfizer n'a pas voulu commenter et Allergan n'a pas répondu dans l'immédiat.
Selon les sources proches du dossier, un objectif était d'échapper aux nouvelles mesures du Trésor pour rendre difficile l'évitement fiscal des entreprises américaines qui veulent se domicilier à l'étranger par le biais d'acquisitions ou "Tax Inversion".
Ces règlementations vont par exemple limiter la possibilité de choisir un pays tiers au régime fiscal favorable pour établir le siège d'un nouveau groupe issu d'une opération de fusion. Elles vont aussi rendre plus difficile d'éviter le seuil de détention de 80% du capital d'une entreprise par un groupe américain, seuil qui le soumet à l'impôt américain sur les bénéfices.
Pour contourner ces obstacles, il est désormais envisagé que, sur la forme, ce soit Allergan, basé à Dublin (Irlande), qui achète Pfizer et non plus l'inverse, détaille une des deux sources.
Dans les faits, les actionnaires d'Allergan devraient détenir au final entre 40 à 45% de la nouvelle entité, tandis que ceux de Pfizer en auraient le contrôle. L'opération, qui s'effectuerait essentiellement par un échange d'actions, aurait aussi une composante en numéraire, poursuit la source.
Initialement, Pfizer, dont le quartier général est à New York, envisageait de mettre sur la table une offre de 370 à 380 dollars par action Allergan, selon une autre source proche du dossier.
Ce prix valoriserait la future mariée à 150 milliards de dollars et constituerait la plus grosse fusion de l'année, loin devant le rapprochement entre les brasseurs SABMiller et AB InBev (112 milliards de dollars).
- Redevenir numéro 1 -
"Les mesures du Trésor ne vont probablement pas arrêter cette opération", estime Alex Arfaei, analyste chez BMO Capital Markets, faisant remarquer que Pfizer a lancé une opération de charme auprès des élus américains, alors que les candidats à l'investiture républicaine pour la Maison Blanche tirent à boulets rouge sur la fiscalité des entreprises américaines.
Le deuxième groupe pharmaceutique mondial n'a jamais caché être attiré par le fait que le siège d'Allergan soit en Irlande où l'impôt sur les sociétés est presque trois fois plus faible qu'aux Etats-Unis.
De façon générale, le taux d'imposition des entreprises basées en Irlande est de 12,5% contre 35% aux Etats-Unis actuellement. En 2014, la facture fiscale de Pfizer était de 26,5%, contre 4,8% à Allergan qui s'attend toutefois à voir ses bénéfices taxés à hauteur de 15% cette année.
En mai 2014, Pfizer avait déjà tenté de s'implanter fiscalement hors des Etats-Unis en rachetant son concurrent AstraZeneca, basé en Grande-Bretagne. Mais son offre de 117 milliards de dollars avait été rejetée.
Allergan permettrait par ailleurs à Pfizer de redevenir le premier groupe pharmaceutique mondial en termes de chiffre d'affaires devant le suisse Novartis (VX:NOVN) et de pouvoir finalement donner leur indépendance à ses produits matures affectés par l'expiration des brevets et la concurrence des génériques, estiment les analystes.
Outre le Botox, le portefeuille de la nouvelle entité comprendrait le traitement contre les troubles de l'érection Viagra ou encore l'anti-inflammatoire Celebrex et l'anti-cholestérol Lipitor.
Au-delà de Pfizer-Allergan, une partie des nouvelles mesures fiscales du Trésor est censée affecter des fusions opérées depuis septembre 2014.
Le mariage entre Medtronic, le fabricant américain d'appareils médicaux orthopédiques et cardiovasculaires, et son rival Covidien, installé en Irlande, pourrait ainsi être gêné. Idem pour Mylan (O:MYL), désormais basé hors des Etats-Unis depuis le rachat des actifs non-américains des laboratoires Abbott.