Les banques ont baissé leurs rideaux, les commerçants guettent les clients et leurs employés espèrent être payés... Lundi, avec la mise en place d'un contrôle des capitaux, une semaine inédite a commencé en Grèce, où l'économie est traditionnellement basée sur l'argent liquide.
"Demain c'est le jour de la paye. Mais maintenant les banques sont fermées et le patron n'a pas d'argent... Comment on va faire? Il faut qu'on paie nos factures", s'alarme une jeune vendeuse de tissus, Sofia Chronopoulos.
Comme elle, nombreux se demandaient comment gérer la semaine, alors que les retraits sont limités à 60 euros par jour jusqu'au 7 juillet, et que les banques resteront fermées, une décision prise par le gouvernement pour empêcher l'effondrement du système financier.
Lundi matin, de nombreux distributeurs n'avaient pas été réapprovisionnés. "Le distributeur ne fonctionnait pas", explique Vaggelis repartant avec un simple ticket. Le plafond des retraits ne l'effraie pas: "60 euros c'est assez pour moi"..
Depuis samedi, et la décision du Premier ministre Alexis Tsipras de convoquer un référendum sur les propositions des créanciers, la population a mis à sec la plupart des appareils au prix de longues files d'attente pour tenter de récupérer quelques économies.
Theodoros Contos, livreur de 38 ans, ne cachait pas son stress: "Il n'y a pas d'argent, j'ai essayé plein d'ATM (distributeurs). La fermeture des banques est un énorme problème en Grèce, c'est difficile de ne pas paniquer".
La Grèce est l'un des pays européens où l'usage de la carte bancaire, qui reste théoriquement acceptée dans les commerces durant cette semaine exceptionnelle, est le moins répandu.
"Pas d'argent, pas d'espoir, comment sommes-nous arrivés à cette situation?", s'interroge Chris Bakas, un chômeur de 28 ans, évoquant un "lundi noir".
Deux fonctionnaires en charge des Finances publiques ont décrit la situation à l'AFP comme une "entrée en territoire inconnu".
- Prix bradés -
Les commerçants craignaient eux de voir disparaître leurs clients. Nikos Gyallitsis, propriétaire d'un café dans le centre-ville, escomptait une baisse de 50% de son chiffre d'affaires. "Les gens vont garder leur argent pour la nourriture et l'essence", pense-t-il.
"Pour faire du shopping, tu dois être heureux, avoir confiance et là, on ne sait pas ce qu'il va se passer demain", analyse-t-il.
A Athènes, les transports en commun seront gratuits jusqu'à la réouverture des banques, sans doute pour répondre à l'afflux dans les stations essence ce week-end.
Pour faire venir les clients coûte que coûte dans sa boutique de vêtements pour homme, Panagiotis Vergetis, a décidé de tout brader à -30%: "j'ai besoin d'argent, j'espère qu'ils vont venir et acheter", confie le jeune homme qui a pris la relève de son père.
Le gouvernement a précisé que les touristes et les personnes possédant une carte de crédit émise dans un pays étranger, ne seront pas concernés par les mesures de limitation des retraits.
Mais plusieurs pays ont recommandé à leurs ressortissants désireux de voyager en Grèce d'emporter assez d'argent liquide pour couvrir leurs dépenses.
Michele Ammann, Suisse de 48 ans, a emporté beaucoup de liquide et contrôle ses dépenses "pour être sûr de ne pas manquer". Dans le quartier où il loge, il constate que les gens sont "très fatigués, très inquiets".
"On a emporté plus de cash que nous le ferions habituellement", témoigne aussi Marina Jestin, une Française en Grèce avec son mari et son fils pour trois jours. "Nos amis en France sont inquiets pour nous, ils craignent que les Grecs deviennent plus agressifs ou violents au fur et à mesure que l'argent vient à manquer".
Anastasia, qui tient une boutique de chaussures, n'a pas assez d'argent en caisse pour payer ses employés, mais a décidé de ne pas rejoindre les longues files d'attente devant les distributeurs: "je crois que cette attitude rend juste le problème plus grave", considère-t-elle, "c'est important de rester calme".