Conduites par de jeunes gens radieux, des berlines glissent sur le macadam d'un centre-ville hérissé d'immeubles en verre, sur une musique rythmée. Un spot publicitaire banal? Presque. Il s'agit de vanter aux Russes les qualités des Lada.
Une mission d'envergure, voire un grand écart résumé par la silhouette vieillotte d'une Lada Jigouli, ancienne Fiat des années 1960 produite 42 ans durant en URSS puis Russie, et qui trône désormais devant une succursale flambant neuve d'Ijevsk (1.100 km à l'est de Moscou).
Lada, dont la société-mère Avtovaz est contrôlée par le groupe Renault (PA:RENA), reste le premier constructeur automobile russe, avec 18,7% du marché en 2016.
Mais la marque n'a commencé à investir dans la publicité que depuis environ trois ans. Son budget promotionnel a même triplé entre 2016 et 2017.
A l'époque soviétique, les Lada étaient quasiment les seules autos auxquelles les acheteurs avaient accès, et encore, après une longue attente. Aujourd'hui, la marque, spécialiste de l'entrée de gamme, doit se battre sur tous les fronts, de la qualité au design en passant par l'après-vente, au service de l'image.
"Lada fait partie du patrimoine russe. Il n'y a pas de Russe qui n'ait pas rencontré une Lada dans sa vie", et la marque suscite toujours des élans de "patriotisme", assure Jan Ptacek, vice-président chargé des ventes et du marketing d'Avtovaz.
Aujourd'hui, "l'enjeu est de garder cette partie affective, mais aussi de rendre le client de Lada à nouveau fier", souligne-t-il, en concédant des "lacunes de qualité" qui ont suscité la méfiance des acheteurs.
Les soucis de fiabilité des Lada, sujet d'innombrables railleries, font partie d'un passé révolu, promet Renault, même si les Fiat 124 adaptées par les Soviétiques cahotent encore en nombre sur les routes.
Renault a présenté la semaine dernière à des journalistes les fondations d'un "renouveau" espéré d'Avtovaz, pour lequel l'entreprise française a sorti au total 1,7 milliard d'euros depuis 2008, entre acquisition et récente recapitalisation d'une société aux abois.
- Grand ménage -
Remodeler l'image de marque a commencé par le design, indique Steve Mattin, responsable du style des Lada arrivé en 2011 pour repartir d'une feuille blanche. "Une occasion quasiment unique" dans sa profession, dit-il cet ancien de Mercedes et Volvo à l'AFP.
Le premier résultat, fin 2015, a été la berline Vesta, reconnaissable à ses profondes échancrures symétriques au niveau des passages de roues, un "X" stylisé que l'on retrouve aussi sur la face avant.
A suivi début 2016, dans les mêmes canons, la berline compacte surélevée XRAY, qui pioche dans le registre des populaires 4x4 des villes. Il s'agit désormais de finir de renouveler la gamme, avec au total dix nouveaux modèles prévus d'ici à 2026.
"Le mix du marché lui-même va évoluer avec plus de SUV et crossovers (4x4 urbains NDLR) que de berlines, donc on se prépare à cette évolution-là", dit le président d'Avtovaz, Nicolas Maure.
M. Mattin a présenté l'esquisse d'un tout-terrain qui pourrait enfin enterrer le Lada 4x4, autrefois baptisé Niva, entré cette année dans sa cinquième décennie de commercialisation.
Les dirigeants de Lada travaillent aussi à améliorer leur réseau de 331 points de vente, de Saint-Pétersbourg à Vladivostok. Les concessions et succursales commencent depuis 2016 à se parer d'un nouvel habillage graphique, lettres orange sur fond gris.
L'accent est mis sur l'accueil des clients, dont la voiture est systématiquement lavée, tandis qu'un taux horaire de main-d'oeuvre inférieur à la moyenne du marché pour l'entretien et la réparation a été instauré, dans le but avoué de récupérer des automobilistes partis ailleurs.
Signe de ce grand ménage, le taux de résiliation annuel des contrats de concession atteint couramment 10%, fait valoir le chef de la région Eurasie chez Renault, Denis Le Vot.
Lada travaille aussi à installer "une image dynamique" en participant aux épreuves sportives russes en circuit et en rallye, et même en karting, dit M. Maure, dont le plan prévoit de passer d'un taux de bonnes opinions chez ses clients de quelque 35%... contre 16,4% aujourd'hui.