Les autorités russes ont reconnu vendredi que la faillite constituait désormais "la seule solution possible" pour la deuxième compagnie aérienne du pays, Transaero, coulée par la chute du rouble au bout de 25 ans d'existence après l'échec de sa tentative de sauvetage par sa concurrente Aeroflot.
Avant même que la justice ne déclare la compagnie privée en banqueroute, Aeroflot, qui avait pris depuis un mois son contrôle opérationnel, a assuré qu'elle transporterait les passagers titulaires de billets Transaero jusqu'au 15 décembre. Pour la suite, les passagers pourront se faire rembourser, a précisé le transporteur public dans un communiqué.
Transaero, qui exploite plus de 100 appareils --surtout des Boeing-- et se spécialise dans les destinations long-courrier, n'aura donc pas survécu à une crise économique doublement pénalisante pour les compagnies aériennes.
D'un côté, l'effondrement du rouble depuis un an a alourdi les coûts liés au dollar, de la location en crédit-bail des avions à la maintenance technique en passant par le remboursement des crédits. De l'autre, l'inflation galopante plombe le pouvoir d'achat des ménages et la demande pour les vols long-courriers, l'empêchant d'augmenter ses tarifs pour se maintenir à flot.
Rembourser ses crédits, et faire face à ses obligations financières au quotidien, devenait mission impossible pour Transaero, lourdement endettée.
"Il n'y a pas d'autre possibilité" que la faillite, a déclaré le ministre de l'Economie, Alexeï Oulioukaïev, aux agences russes. "Les tentatives de trouver une autre issue n'ont pas été couronnées de succès. C'est pourquoi nous partons désormais du fait qu'il s'agit de la seule option possible".
Le gouvernement avait ordonné début septembre à Aeroflot, contrôlée à majorité par l'Etat, de reprendre pour un rouble symbolique Transaero. Mais la première compagnie russe n'a pas réussi à obtenir la part du capital visée, ni à se mettre d'accord avec les banques sur une renégociation de la lourde dette de son concurrent, et a annoncé jeudi soir jeter l'éponge.
De son côté, le ministre des Transports Maxime Sokolov avait annoncé jeudi que Transaero s'était vu notifier l'interdiction de vendre tout nouveau billet. Concernant la possibilité d'une faillite, il avait répondu que celle-ci relevait des créanciers qui devaient pour cela saisir la justice.
- Aeroflot gagnante -
"Tous les créanciers, y compris Sberbank, saisiront la justice pour réclamer le remboursement des dettes puis la mise en faillite, c'est une question de temps", a assuré vendredi le patron du géant bancaire public Sberbank, Guerman Gref.
Selon les agences russes, la banque Alfa Bank a d'ores et déjà saisi un tribunal d'arbitrage pour réclamer une mise en faillite.
Le ministre du Travail Maxime Topoline, cité par l'agence Interfax, a estimé qu'environ la moitié des 11.000 employés de Transaero devraient pouvoir être repris par Aeroflot.
Les investisseurs ont pris acte de la disparition de Transaero, dont l'action plongeait de 42,31% vendredi vers 14H45 GMT à la Bourse de Moscou, tandis que celle d'Aeroflot progressait de 7,09%.
Les analystes voyaient en effet d'un mauvais oeil Aeroflot reprendre sa concurrente en difficultés. Même si cela lui aurait permis d'augmenter immédiatement sa part de marché à plus de 50% dans le ciel russe, elle aurait récupéré au passage des lourdes dettes et une flotte vieillissante.
Contrairement à Aeroflot qui dispose d'une flotte récente composée surtout d'Airbus (PARIS:AIR), Transaero exploite essentiellement des Boeing (NYSE:BA), notamment des 747, relativement anciens. La compagnie avait toutefois commandé à l'avionneur européen quatre gros porteurs A380 (1,7 milliard de dollars au prix catalogue) et huit moyen-courriers A320neo. Ces appareils n'ont pas encore été livrés et le sort de cette commande se trouve désormais en suspens.
Aeroflot devrait de toute façon sortir gagnante de la disparition de sa principale concurrente, d'autant qu'elle a conservé une politique financière prudente et qu'une autre grosse compagnie aérienne, Utair, traverse aussi une période difficile.