par Emmanuel Jarry
LE BOURGET, Seine-Saint-Denis (Reuters) - Laurent Fabius a symboliquement remis samedi à l'Onu la clef du site du Bourget, près de Paris, où plusieurs dizaines de milliers de personnes sont attendues à partir de dimanche et pour douze jours pour la COP21, la conférence sur le climat.
Cette 21e conférence des 196 parties signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) est considérée comme une des dernières chances de réorienter la planète vers une économie sobre en carbone, avant que son réchauffement ne prenne des proportions catastrophiques.
Lors d'une conférence de presse commune avec Laurent Fabius, la secrétaire exécutive de la CCNUCC, Christiana Figueres, a annoncé que 183 pays représentant près de 95% des émissions mondiales de CO2 avaient désormais déposé un plan national de réduction des gaz à effet de serre (GES).
"Avant même le démarrage officiel de la COP21, c'est déjà un premier succès tangible", a-t-elle estimé.
Elle a cependant reconnu que l'addition de ces engagements était encore loin de placer la planète sur la trajectoire d'un réchauffement inférieur à 2°C d'ici 2100, objectif du projet d'accord censé être adopté à l'issue de la COP21.
"Si ces plans nationaux sont appliqués, l'augmentation de la température se situerait entre 2,7 et 3,5°C", a-t-elle déclaré. "L'accord de Paris doit contenir un processus d'amélioration continue et d'intensification des efforts."
Parallèlement, près de 11.000 villes, régions, entreprises et investisseurs ont aussi pris des engagements en matière de lutte contre le réchauffement, enregistrés par l'Onu.
Selon l'écologiste Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot, les engagements de plus de 2.400 villes et régions représenteraient ainsi une réduction des émissions de 1,5 gigatonne par an sur un total mondial d'émissions annuelles de 49 gigatonnes.
Si la question de la fixation d'un prix du carbone, jugée déterminante pour réduire les activités émettrices de GES, n'est que marginalement évoquée par le projet d'accord, Laurent Fabius a dit son espoir que des pays et des entreprises annonceraient des initiatives en ce sens, notamment lundi.
Laurent Fabius, qui assumera la présidence de la COP21, a dit avoir effectué plus d'une centaine de déplacements dans le monde et eu 400 rencontres bilatérales pour préparer cette conférence. Le succès "est à notre portée mais il n'est pas encore acquis", a déclaré le ministre français des Affaires étrangères dans une interview au Monde.
SÉCURITÉ RENFORCÉE
La première réunion des négociateurs a été avancée à dimanche, avant l'ouverture officielle de la conférence lundi par 150 chefs d'Etat et de gouvernements, dont l'Américain Barack Obama, le Chinois Xi Jinping, le Russe Vladimir Poutine et le Turc Recep Tayyip Erdogan.
Selon Laurent Fabius, 6.000 journalistes sont attendus pour l'ouverture officielle, sur fond de climat géopolitique tendu au Moyen-Orient et de menace terroriste en Europe, après les attentats du 13 novembre à Paris, qui ont fait 130 morts.
Les 16 hectares du site de la COP21, dont deux salles plénières de 1.500 et 1.300 places, qui paraissaient encore très vides samedi, sont officiellement passés en "zone bleue", c'est-à-dire sous juridiction des Nations unies, jusqu'au 11 décembre.
Ce sont des gardes de l'Onu qui procèdent aux fouilles à l'entrée des installations. Mais 2.800 policiers et gendarmes français sont aussi mobilisés pour assurer la sécurité.
Avant même les portiques de détection de métaux, un premier rideau d'agents s'assure que les visiteurs dûment accrédités ne transportent pas d'armes ou d'explosifs sous leurs vêtements. Un couteau de poche détecté dans un sac à main suscite l'émoi palpable d'agents de l'Onu et une salve de questions soupçonneuses.
Le préfet de police de Paris a pour sa part interdit par arrêté le 19 novembre la vente et le transports d'articles pyrotechniques de divertissement et de combustibles domestiques en Ile-de-France jusqu'au 13 décembre à minuit.
Alors que les grandes manifestations pro-climat prévues à Paris ont été interdites, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a déclaré samedi assumer "totalement" l'assignation à résidence de 24 militants écologistes.
(édité par Chine Labbé et Henri-Pierre André)