par Andrei Makhovsky
MINSK (Reuters) - Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, est pratiquement assuré de remporter un cinquième mandat lors de l'élection présidentielle de ce dimanche en Biélorussie, scrutin qui ne devrait pas, a priori, être suivi de manifestations de contestation comme cela avait été le cas en 2010.
Aucun des trois candidats qui lui sont opposés ne représente un danger sérieux pour l'avenir politique d'Alexandre Loukachenko, et les personnalités de l'opposition ont appelé au boycottage du scrutin.
Les pays occidentaux boudent de longue date ce dirigeant de 61 ans en raison de son style autoritaire, des violations des droits de l'homme et de la répression visant l'opposition, et ils maintiennent des sanctions économiques à l'encontre de certains responsables et de certaines entreprises biélorusses.
Cependant, les critiques adressées par Loukachenko envers Moscou contre l'annexion de la Crimée en 2014, le fait d'avoir accueilli des négociations de paix sur l'Ukraine et d'avoir en août gracié six dirigeants de l'opposition ont eu pour conséquence un rapprochement prudent entre Minsk d'une part, l'Union européenne et les Etats-Unis d'autre part.
"L'Occident aspire à la stabilité de la Biélorussie. Il veut la tenue d'élections exempte de troubles, qui puissent apporter des progrès en termes de démocratie et de droits de l'homme", déclare Iouri Tsarik, du Centre biélorusse de recherches stratégiques et politiques.
Comme en écho à ses propos, le directeur du Centre biélorusse de transformation européenne, Andreï Egorov, déclare: "Les autorités biélorusses n'ont pas besoin d'en faire beaucoup (concernant le scrutin de dimanche). Elles doivent juste sauver les apparences".
Etant donné l'apathie ambiante dans la population et le désir ardent de stabilité face à une Russie offensive et une Ukraine en plein conflit séparatiste, peu d'observateurs s'attendent à des manifestations de l'ampleur de 2010, lorsque Loukachenko avait fait emprisonner ses principaux opposants.
LA PRIX NOBEL DE LITTERATURE N'IRA PAS VOTER
L'écrivaine biélorusse Svetlana Alexievitch, qui a obtenu jeudi le prix Nobel de littérature 2015, résume l'atmosphère de résignation qui prévaut au sein de l'opposition.
"Je n'irai pas voter à cette élection parce que nous savons qui l'emportera", dit l'auteure de "La fin de l'homme rouge", qui vit à Minsk, aujourd'hui, après avoir passé de nombreuses années en Europe de l'Ouest.
Nikolaï Statkevitch, ancien candidat de l'opposition à la présidentielle, a appelé à des manifestations avant la tenue du scrutin, mais comme lors d'autres rassemblements ces derniers mois, la participation s'est limitée à quelques centaines de personnes.
"Loukachenko et son système sont à bout de souffle. Aucun choix n'est proposé, mais on a le choix de ne pas se comporter comme des moutons", a dit Anatoli Lebedko, une des figures de l'opposition, samedi, lors d'un rassemblement antigouvernemental qui a attiré quelques centaines de personnes.
Si Moscou conserve une influence de taille en Biélorussie, ne serait-ce qu'en étant l'un de ses principaux créanciers, Alexandre Loukachenko n'a pas manqué à l'occasion de manifester son esprit d'indépendance. Récemment, il a dénoncé les projets russes de se doter d'une base militaire en Biélorussie, faisant là, une fois n'est pas coutume, une concession à son opposition.
L'économie biélorusse a pâti cette année de la chute du rouble russe. Le PIB biélorusse a reculé de 3,5% sur la période janvier-août et le salaire mensuel moyen a chuté d'un tiers en dollars depuis le début de l'année, à 420 dollars.
Néanmoins, la cote de popularité de Loukachenko, qui dans une interview à Reuters voici trois ans se posait en "dernier et seul dictateur en Europe", est de 47%, selon un sondage réalisé en septembre par l'Institut (indépendant) d'études socio-économiques et politiques.
(Eric Faye pour le service français)